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LE PAYS DES LAMAS.

— Je connaissais la légende sacrée.

— Quelle légende ?

— Vous ignorez donc la prophétie ?…

— Absolument.


Rachmed le Tekké.

— Un texte dit ceci : « Dans un avenir prochain, Bouddha descendra du ciel parmi les Thibétains. Tant qu’il résidera sur les hauts plateaux, le pays sera prospère et il dominera les nations. Que les lamas retiennent le Dieu par de riches présents, des sacrifices agréables à sa grandeur, mais que jamais ils ne lui permettent de s’éloigner ! Les plus effroyables malheurs s’abattraient sur le peuple privé de son divin protecteur. »

Tous écoutaient. Maintenant l’aventure devenait claire. L’énoncé du texte sacré avait suffi pour faire le jour dans l’esprit des voyageurs.

Des pas lointains glissèrent sur les dalles. Rachmed reprit l’attitude de la prière en murmurant :

— On vient. Vous me reverrez demain !

Les prêtres délivrèrent Armand, le reconduisirent dans les salles dont ils avaient fait sa demeure et le laissèrent avec les Anglais commenter la singulière révélation du Tekké.

Bouvreuil était absent. On convint de ne lui parler de rien. Étant données ses dispositions, l’usurier eût peut-être cherché à mettre un obstacle aux projets des prisonniers. — Mieux valait les lui laisser ignorer.

Le lendemain, Rachmed, après une courte conférence avec les Anglais, se présenta au Tag-Lama, ou chef de la communauté, et s’offrit à tenter de parler au dieu descendu du ciel. Lors de son voyage avec M. Bonvalot et le prince Henri d’Orléans, le Tekké avait servi d’interprète, et les mandarins de Lhaça en avaient conçu pour lui une haute estime. Les prêtres lui accordèrent donc la permission d’entretenir Lavarède, et bientôt la nouvelle se répandit dans le pays que Bouddha, grâce au concours d’un lettré asiate, habile à se servir de la langue du ciel, pouvait entrer en conversation avec