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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Le campement fut établi, la tente de feutre dressée ; tous s’y glissèrent avec plaisir. La température avait baissé brusquement, le thermomètre dont le gentleman s’était muni marquait 32 degrés au-dessous de zéro. Cependant, bercés par le murmure de la source voisine, les voyageurs commençaient à s’endormir, quand un bruit étrange les fit se dresser brusquement. C’était un roulement sourd, entrecoupé de grincements aigus qui déchiraient les oreilles.

What’s ? murmura l’Anglais.

— Un chariot, répliqua le Tekké à voix basse.

Du coup, Lavarède se trouva debout :

— Un chariot ! alors il y a un conducteur.

Et déjà il se préparait à sortir de la tente. La main de Rachmed le cloua sur place.

— Tu es donc las de vivre que tu veux t’exposer à l’air la tête nue. Mets ce bonnet de fourrure… Autrement tu tomberais foudroyé.

Le conseil était bon. Par ces gelées excessives, la congestion guette l’homme. Les voyages aux Pôles le prouvent. Que de matelots, pour avoir négligé les précautions recommandées aux équipages, dorment dans la banquise ! Armand ne l’ignorait pas ; il ne quitta la tente avec ses compagnons qu’après s’être chaudement couvert. Au dehors le Froid sévissait en maître. Sur les joues, qu’aucune fourrure n’abritait, les voyageurs éprouvèrent une douleur cuisante ; on eût dit qu’un couteau fouillait leur chair.

Cependant le chariot approchait. Il devait passer près de la source. Immobiles, Lavarède et ses amis attendaient, les mains crispées sur leurs