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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

et son fiancé. Ils vous demandent justice. Vous la leur accorderez, vous qui à travers les siècles perpétuez le souvenir de vos vaillantes ancêtres.

Un hourra frénétique ébranla l’atmosphère. Les amazouns voulaient connaître l’endroit où était enfermée miss Aurett.

— Chez le chef Lamfara, répliqua Rachmed !

— À la maison de Lamfara !

À ce cri, toutes les femmes quittèrent l’enceinte du Patich et, se formant en colonne serrée, se mirent en marche vers le lieu désigné.

— Où vont-elles ? interrogea l’Anglais.

— Délivrer votre chère fille, mon bon monsieur.

— Comment ? Pourquoi ?

— Parce que nous profitons des circonstances ; on vous expliquera plus tard ! Pour l’instant, reprenons miss Aurett à son ravisseur et fuyons à toutes jambes cette cité ! Demain, il n’y ferait pas bon pour nous.

À la même heure Aurett rêvait. Une immense tristesse pesait sur elle.

Elle se revoyait attachée au travers de la selle de Lamfara, emportée dans la nuit par le galop furieux du coursier turcoman. Puis la halte du jour, et, la nuit revenue, la course infernale recommençant. Et avec un serrement de cœur, elle songeait que chaque bond de sa monture l’avait éloignée de son père et d’Armand.

Un instant, elle avait espéré. Parmi les tentes dressées, au milieu de la seconde nuit, un chariot était passé. Elle avait couru au-devant du conducteur, cherchant un défenseur dans le voyageur inconnu. Mais alors son maître s’était dressé devant elle. Brutalement il l’avait ramenée à la tente où elle reposait ; et dans l’ombre, le bruit du chariot s’était éteint peu à peu.

Plus tard, juchée de nouveau sur un cheval, son escorte l’avait conduite dans une ville étrange, aux maisons largement espacées. Elle se souvenait d’avoir passé sous un arc triomphal, en pierre, aux formes bizarres. Puis sa monture s’était arrêtée au milieu d’une cour. Invitée à mettre pied à terre, la captive avait été enfermée dans une pièce basse.

Et, dans son esprit, au désespoir d’être séparée de ses amis se joignait la crainte de voir face à face celui qui la tenait prisonnière.

Que voulait cet homme ? Question menaçante ! Nulle jeune fille n’y répondrait, mais toutes frissonneraient devant l’interrogation.

Aurett se représentait le guerrier asiate à peine entrevu, marchant vers elle, le regard dur, le geste menaçant. La tête cachée dans ses mains, elle se demandait quelle attitude prendre en présence de cet ennemi.