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L’ÉDUCATION DE LA PENSÉE ET LE MOUVEMENT

vague représentation visuelle de vibrations que je crois voir, parce que je sais qu’elles existent.

Je suis donc amenée par mes impressions personnelles à admettre qu’une œuvre musicale se déroule à la fois dans l’espace et dans le temps. D’ailleurs, bon nombre des propriétés des mouvements qui me paraissent transmissibles à travers l’espace restent aussi invisibles pour nous que les ondes sonores, mais n’en constituent pas moins un état de conscience qui est en rapport avec le timbre de la sonorité et les conceptions esthétiques de l’interprétation.

Le clavier divisé en espace à trois dimensions servant de champ d’action à la pensée.

Comme chacun le sait, tandis que seules les cordes de l’instrument varient de dimensions selon la hauteur des sons, les touches conservent des dimensions égales. Pour la pensée du pianiste, l’écart des intervalles musicaux correspond donc au plus ou moins d’écartement des touches et, par conséquent, à l’écart respectif plus ou moins grand qu’il doit communiquer à ses doigts dans l’exécution des intervalles.

Mais en dehors de l’écart des touches auquel les attitudes des doigts doivent s’adapter, l’étendue du clavier sert de champ d’action à la pensée par rapport à la forme et aux dimensions des mouvements exécutés au dessus du clavier par les bras. Cet espace supplémentaire qui doit rentrer dans la mentalité de l’élève est, comme celui se rapportant à la longueur des touches, des plus suggestifs, des plus puissants, pour maintenir la pensée en marche.