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LES SENSATIONS DE SURFACES

Chez ceux qui l’ont acquise volontairement, cette harmonie correspond non seulement à des sensations de vibrations constantes perçues dans toute l’étendue des phalangettes, mais il s’y joint aussi des sensations plus intenses encore éprouvées dans les ongles, telles qu’on les éprouve réellement quand on réalise une pression. De plus, les mains, maintenues immobiles dans l’espace, restent elles-mêmes si vibrantes, qu’elles seraient portées à accuser les yeux d’impuissance, puisque l’espace paraît vide à ceux-ci, tandis qu’à elles l’espace reste si perceptible qu’il semble s’adapter comme un gant d’une élasticité fluide, aux sillons les plus infimes de leur peau ; et loin de produire la moindre gêne, ces sensations d’espace servent de stimulant aux mouvements dont la liberté apparaît plus complète.

Nous sommes loin de l’insensibilité que l’immobilité d’attitude prolongée de la main devait entraîner, selon Gratiolet. Néanmoins, ces résultats ne doivent être qu’un faible acheminement vers l’affinement de la sensibilité, réservé sans doute aux générations futures, affinement dont les conséquences peuvent être si considérables par l’influence qu’il exerce sur le perfectionnement général des sens. Car, en somme, l’harmonisation volontaire des touchers correspond à un état de conscience en quelque sorte nouveau, qui ne s’applique pas seulement aux fonctions artistiques des doigts. Dans cet état de conscience, tout est perçu différemment par la main.