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L’EFFORT MENTAL DANS LE MOUVEMENT

Cette mécanisation nuisible de la mémoire des mouvements et de la mémoire des mots semble tirer son origine d’une époque antiscientifique lointaine, où l’affinement progressif de l’activité fonctionnelle et des perceptions sensorielles n’était pas encore considéré comme un phénomène corrélatif du développement de l’intelligence.

Comme nous l’expliquerons plus loin, non seulement on ne doit pas faire de mouvements sans penser, mais on doit apprendre à penser les mouvements avant d’être à même de les exécuter dans les conditions voulues. Entre le mouvement artistique et le mouvement antiartistique, entre le mouvement créateur et le mouvement impuissant, il existe une différence essentielle : l’un est pensé, l’autre ne l’est pas. La pensée transforme le mouvement parce qu’elle lui donne les propriétés d’où émanent sa force d’expression, sa vie.

Dans l’éducation des mouvements volontaires artistiques, le premier rôle ne doit donc plus revenir au mécanisme des mouvements des doigts, mais au mécanisme des fonctions mentales qui déterminent les rapports à établir dans l’exécution des mouvements. L’éducation essentielle réside dans le calcul de ces rapports, et non dans les mouvements exécutés par les doigts.

L’effort intellectuel nécessaire pour apprendre à gouverner ses mouvements de façon à leur communiquer toutes les propriétés artistiques doit donc tenir la première place dans l’éducation des mouvements volontaires dont il s’agit ici. La valeur des mouvements réside dans la pensée qui les anime, et