Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/313

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nommé Béchir, dont la conduite fut héroïque, avait été témoin oculaire des massacres de Bouloupari. Il avait demandé, comme unique récompense, d’être renvoyé en Algérie et passait son temps à écrire des placets où il racontait naïvement sa belle conduite. D’un de ces placets j’extrais les lignes suivantes, qui sont d’ailleurs également reproduites dans les Lettres d’un Marin :

« J’arrivai à Bouloupari. D’abord je me dirigeai vers la Gendarmerie ; il y avait quatre chevaux attachés à l’écurie. Près d’une voiture à fourrage, deux condamnés gisaient, baignés dans leur sang. J’allai ensuite au kiosque, où les gendarmes prennent d’habitude leur repas. À dix mètres du kiosque, le cuisinier, à plat ventre, frappé d’un coup de hache à la nuque, tenait dans ses mains crispés un plat brisé en deux. Quatre gendarmes avaient trouvé la mort au moment où ils sortaient du kiosque, sans doute pour courir aux armes. Au télégraphe, près de l’employé étendu sur la route, la face tournée vers le ciel, veillait allongé son petit chien noir. Derrière le télégraphe, la maison Kleich ; le mari, la tête fendue, la femme nue, meurtrie, avec une bouteille cassée introduite dans le ventre.

» Toujours à cheval, car je craignais d’être pris vivant, j’entrai dans le camp des transportés, assommés pêle-mêle, au moment de la sieste : deux d’entre eux avaient encore le râle de l’agonie. À la case des surveillants, l’incendie m’empêcha de compter les victimes. Chez les Mostini, tous morts : Mlle  Mostini violentée, déchirée, le bas ventre ouvert jusqu’au nombril. Sa jeune sœur avait été frappée au moment où elle se réfugiait sous ce cadavre. Elle avait subi la même mutilation que sa sœur. »

L’interprète Canaque Louis. — Le Canaque Louis, interprète à bord d’un navire, et qui parlait fort bien Français, joua un rôle important dans les massacres