Page:Jacques Bainville - Les Dictateurs.djvu/232

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L’emploi des caractères latins avait déjà rendu inutilisables un grand nombre de mots. Pour les remplacer, une Commission présidée par Mustapha Kemal fit des recherches dans les dialectes locaux, dans les textes anciens, et jusque dans les patois du Turkestan. Peu à peu, on devait faire disparaître de la langue turque tout ce qui pouvait avoir une origine arabe ou persane. Ce qui peut sembler étonnant, c’est que le peuple entier collabore à cette œuvre sans précédent dans l’histoire. On s’ingénie à trouver des mots, à ressusciter d’anciennes formes. C’est ainsi que peu à peu se constitue une nouvelle langue.

Elle a, naturellement, quelques inconvénients. Voici deux ans mourait un grand poète, auquel le gouvernement et le peuple, toujours respectueux de leurs gloires nationales, firent des funérailles grandioses. Mais on avoua que les jeunes gens comprenaient mal ces vers écrits en « turc d’avant guerre », et que dans dix ans, il faudrait probablement les traduire.

D’autre part, on vient de publier, voici deux mois, le dictionnaire officiel de la nouvelle langue. En peu de jours, les premières éditions furent épuisées, et les mauvais esprits prétendirent que la raison en était assez simple : c’est que personne ne comprend rien au nouveau turc,