Page:Jacques Bainville - Les Dictateurs.djvu/29

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abattues par les patriciens, tandis qu’elles avaient été soutenues et furent toujours vaguement regrettées par la foule.

C’est par la propagande des écrivains, presque tous attachés au parti aristocratique, que le nom de tyran a pris un sens odieux. Peu à peu, « tyrannie » devint synonyme de puissance personnelle exercée férocement, hors de tout contrôle et de toute loi.

Les « tyrans » s’appuyaient toujours sur le peuple. Jamais aucun d’eux ne prit la tête d’un mouvement aristocratique. Leurs efforts tendirent à réduire les privilèges de la haute classe au profit de la multitude. La tyrannie, qui était en réalité une dictature, était l’instrument de la démocratie tandis que les aristocrates représentaient et défendaient la cause de la liberté. La mauvaise réputation des tyrans de guerre de classe était méritée. Elle leur a été faite par les grands et par les riches qu’ils cherchaient à écraser. C’étaient des niveleurs et des coupe-tête. C’est ce qu’illustre une anecdote bien connue, répétée, en grec et en latin, sous des formes diverses. Le tyran de Corinthe demandait un jour au tyran de Milet des conseils sur le gouvernement. Pour toute réponse, le tyran de Milet coupa les épis de blé qui dépassaient les autres.