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Dans le Finistère, dit-on, l’on ensorcelle encore le beurre. On croit aussi dans ce pays que si l’on offre du beurre à saint Hervé, les bestiaux qui ont fourni la crème n’ont rien à craindre des loups, parce que ce saint, étant aveugle, se faisait guider par un loup[1].

Beurre des sorcières. Le diable donnait aux sorcières de Suède, entre autres animaux destinés à les servir, des chats qu’elles appelaient emporteurs, parce qu’elles les envoyaient voler dans le voisinage. Ces emporteurs, qui étaient très-gourmands, profitaient de l’occasion pour se régaler aussi, et quelquefois ils s’emplissaient si fort le ventre, qu’ils étaient obligés en chemin de rendre gorge. Leur vomissement se trouve habituellement dans les jardins potagers. « Il a une couleur aurore, et s’appelle le beurre des sorcières[2]. »

Beverland (Adrien), avocat hollandais de Middelbourg, auteur des Recherches philosophiques sur le péché originel[3] pleines de grossièretés infâmes. Les protestants mêmes, ses coreligionnaires, s’en indignèrent et mirent cet homme en prison à Leyde ; il s’en échappa et mourut fou à Londres en 1712. Sa folie était de se croire constamment poursuivi par deux cents hommes qui avaient juré sa mort[4].

Beyrevra, démon indien, chef des âmes qui errent dans l’espace changées en démons aériens.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


On dit qu’il a de grands ongles très-crochus. Brahma ayant un jour insulté un dieu supérieur, Beyrevra, chargé de le punir, lui coupa une tête avec son ongle. Brahma, humilié, demanda pardon, et le dieu Eswara lui promit pour le consoler qu’il ne serait pas moins respecté avec les quatre têtes qui lui restaient qu’il ne l’était auparavant avec cinq têtes.

Bézuel. Voy. Desfontaines.

Bhargheist ou Bhar-geist, spectre errant connu des Teutons. Les Anglais le voient encore quelquefois dans le Yorkshire.

Bibésia. C’était dans la mythologie païenne, que Boileau admirait si niaisement, la déesse protectrice des buveurs et des ivrognes.

Bible du diable. C’est sans doute le grimoire ou quelque autre fatras de ce genre. Mais Delancre dit que le diable fait croire aux sorciers qu’il a sa Bible, ses cahiers sacrés, sa théologie et ses professeurs ; et un grand magicien avoua, étant sur la sellette au parlement de Paris, qu’il y avait à Tolède soixante-treize maîtres en la faculté de magie, lesquels prenaient pour texte la Bible du diable[5].

Bibliomancie, divination ou sorte d’épreuve employée autrefois pour reconnaître les sorciers. Elle consistait à mettre dans un des côtés d’une balance la personne soupçonnée de magie, et dans l’autre la Bible ; si la personne pesait moins, elle était innocente ; si elle pesait plus, elle était jugée coupable : ce qui ne manquait guère d’arriver, car bien peu d’in-folio pèsent un sorcier.

On consultait encore la destinée ou le sort en ouvrant la Bible avec une épingle d’or, et en tirant présage du premier mot qui se présentait.

Bietka. Il y avait en 1597 à Wilna, en Pologne, une fille nommée Bietka, qui était recherchée par un jeune homme appelé Zacharie. Les parents de Zacharie ne consentant point à son mariage, il tomba dans la mélancolie et s’étrangla. Peu de temps après sa mort il apparut à Bietka, lui dit qu’il venait s’unir à elle et tenir sa promesse de mariage. Elle se laissa persuader ; le mort l’épousa donc, mais sans témoins. Cette singularité ne demeura pas longtemps secrète, on sut bientôt le mariage de Bietka avec un esprit, on accourut de toutes parts pour voir la mariée ; et son aventure lui rapporta beaucoup d’argent, car le revenant se montrait et rendait des oracles ; mais il ne donnait ses réponses que du consentement de sa femme, qu’il fallait gagner. Il faisait aussi beaucoup de tours ; il connaissait tout le présent, et prédisait un peu l’avenir.

Au bout de trois ans, un magicien italien, ayant laissé échapper depuis cette époque un esprit qu’il avait longtemps maîtrisé, vint en Pologne, sur le bruit des merveilles de l’époux de Bietka ; il reconnut que le prétendu revenant était le démon qui lui appartenait ; il le renferma de nouveau dans une bague, et le remporta en Italie, en assurant

  1. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. I, p. 14 et 15.
  2. Bekker, Le monde enchanté, liv. IV, ch. 29.
  3. Hadriani Beverlandi peccatum originale philologice elucubratum, a Themidis alumno, Eleutheropoli in horto Hesperidum, typis Adamî et Evœ, terrœ fil. In-8°, 1678. La Justa detestatio libellî sceleratissimi Hadriani Beverlandi de peccalo originali, in-8o, Gorinchemii, 1 680, est une réfutation de cet écrit détestable, dont on a publié en 1734, in-12, une imitation mêlée de contes aussi méprisés.
  4. Gabriel Peignot, Dictionnaire des livres condamnés au feu.
  5. Delancre, Incrédulité et mécréance du sortilège, etc., traité VII. Voyez Universités occultes.