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C’est une compilation des procédures auxquelles, comme juge, l’auteur a généralement présidé. On y trouve l’histoire de Louise Maillât, possédée de cinq démons à l’âge de huit ans ; de Françoise Secrétain, sorcière, qui avait envoyé lesdits démons ; des sorciers Gros-Jacques et Willermoz, dit le Bailla ; de Claude Gaillard, de Rolande Duvernois et de quelques autres. L’auteur détaille les abominations qui se font au sabbat ; il dit que les sorciers peuvent faire tomber la grêle, ce qui n’est pas ; qu’ils ont une poudre avec laquelle ils empoisonnent, ce qui est vrai : qu’ils se graissent les jarrets avec un onguent pour s’envoler au sabbat ; qu’une sorcière tue qui elle veut par son souffle seulement ; qu’elles ont mille indices qui les feront reconnaître : par exemple, que la croix de leur chapelet est cassée, qu’elles ne pleurent pas en présence du juge, qu’elles crachent à terre quand on les force à renoncer au diable, qu’elles ont des marques sous leur chevelure, lesquelles se découvrent si on les rase ; que les sorciers et les magiciens ont le talent de se changer en loups ; que sur le simple soupçon mal lavé d’avoir été au sabbat, même sans autre maléfice, on doit les condamner ; que tous méritent d’être brûlés, et que ceux qui ne croient pas à la sorcellerie sont criminels. C’est un peu trop violent, mais il faut remarquer qu’en ces choses ce n’était pas le clergé qui était sévère ; c’étaient ces juges laïques qui se montraient violents et féroces.

À la suite de ces discours viennent les Six avis, dont voici le sommaire :

1° Les devins doivent être condamnés au feu, comme les sorciers et les hérétiques, et celui qui a été au sabbat est digne de mort. Il faut donc arrêter, sur la plus légère accusation, la personne soupçonnée de sorcellerie, quand même l’accusateur se rétracterait ; et l’on peut admettre en témoignage contre les sorciers toutes sortes de personnes. On brûlera vifs, ajoute-t-il, les sorciers opiniâtres, et, par grâce, on se contentera d’étrangler celui qui confesse.

2° Dans le crime de sorcellerie, on peut condamner sur de simples indices, conjectures et présomptions ; on n’a pas besoin pour de tels crimes de preuves très-exactes.

3° Le crime de sorcellerie est directement contre Dieu (ce qui est vrai dans ce crime, quand il existe réellement, puisque c’est une négation de Dieu et un reniement) : aussi il faut punir sans ménagement ni considération quelconque…

4° Les biens d’un sorcier condamné doivent être confisqués comme ceux des hérétiques ; car sorcellerie est pire encore qu’hérésie, en ce que les sorciers renient Dieu. Aussi on remet quelquefois la peine à l’hérétique repenti ; on ne doit jamais pardonner au sorcier…

5° On juge qu’il y a sorcellerie quand la personne accusée fait métier de deviner, ce qui est l’œuvre du démon ; les blasphèmes et imprécations sont encore des indices. On peut poursuivre enfin sur la clameur publique.

6° Les fascinations, au moyen desquelles les sorciers éblouissent les yeux, faisant paraître les choses ce qu’elles ne sont pas, donnant des monnaies de corne ou de carton pour argent de bon aloi, sont ouvrages du diable ; et les fascinateurs, escamoteurs et autres magiciens doivent être punis de mort.

Le volume de Boguet est terminé par le code des sorciers. Voy. Code.

Bogounskis, mauvais esprits russes, qui dansent la nuit sur le lac de Goplo et quelquefois sur la Vistule.

Bohémiens. Il n’y a personne qui n’ait entendu parler des Bohémiennes et de ces bandes vagabondes qui, sous les noms de Bohémiens, de Biscaïens et d’Égyptiens ou Gitanos, se répandirent au quatorzième siècle sur l’Europe, dans l’Allemagne surtout, la Hollande, la Belgique, la France et l’Espagne, avec la prétention de posséder l’art de dire la bonne aventure et d’autres secrets merveilleux. Les Flamands les nommaient heyden, c’est-à-dire païens, parce qu’ils les regardaient comme des gens sans religion. On leur donna divers autres sobriquets.

Les historiens les ont fait venir, sur de simples conjectures, de l’Assyrie, de la Cilicie, du Caucase, de la Nubie, de l’Abyssinie, de la Chaldée. Bellon, incertain de leur origine, soutient qu’au moins ils n’étaient pas Égyptiens ; car il en rencontra au Caire, où ils étaient regardés comme étrangers aussi bien qu’en Europe. Il eût donc été plus naturel de croire les Bohémiens eux-mêmes sur leur parole, et de dire avec eux que c’était une race de Juifs, mêlés ensuite de chrétiens vagabonds. Voici ce que nous pensons être la vérité sur ces mystérieux nomades.

Vers le milieu du quatorzième siècle, l’Europe, et principalement les Pays-Bas, l’Allemagne et la France, étant ravagée par la peste, on accusa les Juifs, on ne sait pourquoi, d’avoir empoisonné les puits et les fontaines. Cette accusation souleva la fureur publique contre eux. Beaucoup de Juifs s’enfuirent et se jetèrent dans les forêts. Ils se réunirent pour être plus en sûreté et se ménagèrent des souterrains d’une grande étendue. On croit que ce sont eux qui ont creusé ces vastes cavernes qui se trouvent encore en Allemagne et que les indigènes n’ont jamais eu intérêt à fouiller.

Cinquante ans après, ces proscrits ou leurs descendants ayant lieu de croire que ceux qui les avaient tant haïs étaient morts, quelques-uns se hasardèrent à sortir de leurs tanières. Les chrétiens étaient alors occupés des guerres religieuses suscitées par l’hérésie de Jean Huss. C’était une diversion favorable. Sur le rapport de leurs espions, ces Juifs cachés quittèrent leurs ca-