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verre, on voit bientôt dans les airs la république volante des sylphes, les nymphes venir en foule au rivage, les gnomes, gardiens des trésors et des mines, étaler leurs richesses. On ne risque rien d’entrer en commerce avec eux, on les trouvera honnêtes, savants, bienfaisants et craignant Dieu. Leur âme est mortelle, et ils n’ont pas l’espérance de jouir un jour de l’être suprême, qu’ils connaissent et qu’ils adorent. Ils vivent fort longtemps, et ne meurent qu’après plusieurs siècles. Mais qu’est-ce que le temps auprès de l’éternité ? Ils gémissent donc de leur condition. Pourtant, il n’est pas impossible de trouver du remède à ce mal ; car, de même que l’homme, par l’alliance qu’il a contractée avec Dieu, a été fait participant de la Divinité, les sylphes, les gnomes, les nymphes et les salamandres deviennent participants de l’immortalité, en contractant alliance avec l’homme. (Nous transcrivons toujours les docteurs cabalistes.) Ainsi, l’âme d’une nymphe ou d’une sylphide devient immortelle quand elle est assez heureuse pour se marier à un sage ; un gnome ou un salamandre cesse d’être mortel en son âme du moment qu’il épouse une fille des hommes. On conçoit par là que ces êtres se plaisent avec nous quand nous les appelons. Les cabalistes assurent que les déesses de l’antiquité, et ces nymphes qui prenaient des époux parmi les hommes, et ces démons incubes et succubes des temps barbares, et ces fées qui, dans le moyen âge, se montraient au clair de la lune, ne sont que des sylphes, ou des salamandres, ou des ondins.

Il y a pourtant des gnomes qui aiment mieux mourir que risquer, en devenant immortels, d’être aussi malheureux que les démons. C’est le diable (disent toujours nos auteurs) qui leur inspire ces sentiments ; il ne néglige rien pour empêcher ces pauvres créatures d’immortaliser leur âme par notre alliance.

Les cabalistes sont obligés de renoncer à tout commerce avec l’espèce humaine, s’ils veulent ne pas offenser les sylphes et les nymphes dont ils recherchent l’alliance. Cependant, comme le nombre des sages cabalistes est fort petit, les nymphes et les sylphides se montrent quelquefois moins délicates, et emploient toutes sortes d’artifices pour les retenir. Un jeune seigneur de Bavière était inconsolable de la mort de sa femme. Une sylphide prit la figure de la défunte, et s’alla présenter au jeune homme désolé, disant que Dieu l’avait ressuscitée pour le consoler de son extrême affliction. Ils vécurent ensemble plusieurs années, mais le jeune seigneur n’était pas assez homme de bien pour retenir la sage sylphide ; elle disparut un jour, et ne lui laissa que ses jupes et le repentir de n’avoir pas voulu suivre ses bons conseils.

Plusieurs hérétiques des premiers siècles mêlèrent la cabale juive aux idées du christianisme, et ils admirent entre Dieu et l’homme quatre sortes d’êtres intermédiaires, dont on a fait plus tard les salamandres, les sylphes, les ondins et les gnomes. Les Chaldéens sont sans doute les premiers qui aient rêvé ces êtres ; ils disaient que ces esprits étaient les âmes des morts, qui, pour se montrer aux gens d’ici-bas, allaient prendre un corps solide dans la lune.

La cabale des Orientaux est encore l’art de commercer avec les génies, qu’on évoque par des mots barbares. Au reste, toutes les cabales sont différentes pour les détails ; mais elles se ressemblent beaucoup dans le fond. On conte sur ces matières une multitude d’anecdotes. On dit qu’Homère, Virgile, Orphée furent de savants cabalistes.

Parmi les mots les plus puissants en cabale, le fameux mot Agla est surtout révéré. Pour retrouver les choses perdues, pour apprendre par révélations les nouvelles des pays lointains, pour faire paraître les absents, qu’on se tourne vers l’Orient, et qu’on prononce à haute voix le grand nom Agla. Il opère toutes ces merveilles, même lorsqu’il est invoqué par les ignorants, s’ils sont convenablement disposés. Voy. Agla.

Les rabbins définissent la cabale : « Une science qui élève à la contemplation des choses célestes et au commerce avec les esprits bienheureux ; elle fait connaître les vertus et les attributs de la divinité, les ordres et les fonctions des anges, le nombre des sphères, les propriétés des astres, la proportion des éléments, les vertus des plantes et des pierres, les sympathies, l’instinct des animaux, les pensées les plus secrètes des hommes. »

» Cinquante entrées différentes, d’après les rabbins, conduisent à la connaissance générale des mystères ; c’est ce qui s’appelle les cinquante portes de l’intelligence. Dieu en fit connaître quarante-neuf à Moïse ; celui-ci renferma toute cette doctrine, toute, l’étendue de la science que Dieu lui avait donnée, dans les cinq livres du Pentateuque ; elle y est contenue, ou dans le sens littéral ou dans le sens allégorique, ou dans la valeur et la combinaison arithmétiques des lettres, dans les figures géométriques des caractères, dans les consonances harmoniques des sons. C’est à l’y découvrir que travaillent tous ceux qui se sont occupés de la cabale. On comprend par ce court exposé que, s’il est cinquante portes ouvertes à l’intelligence, le nombre de celles qui sont ouvertes à l’erreur doit être infini.

» Quelques savants même chrétiens se sont occupés de la cabale, et ont voulu lui assigner une place dans les études sérieuses. Le fameux Pic de la Mirandole a composé un livre tout exprès pour en faire sentir l’importance.

» Il y dit sérieusement que celui qui connaît la vertu du nombre 10, et la nature du premier nombre sphérique, qui est 5, aura le secret des cinquante portes d’intelligence, du grand jubilé