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Carabia ou Decarabia, démon peu connu, quoiqu’il jouisse d’un grand pouvoir au sombre empire. Il est roi d’une partie de l’enfer, et comte d’une autre province considérable. Il se présente, comme Buer, sous la figure d’une étoile à cinq rayons. Il connaît les vertus des plantes et des pierres précieuses ; il domine sur les oiseaux, qu’il rend familiers. Trente légions sont à ses ordres[1].

Caracalla. L’empereur Caracalla venait d’être tué par un soldat. Au moment où l’on n’en savait encore rien à Rome, on vit un démon en forme humaine qui menait un âne, tantôt au Capitole, tantôt au palais de l’empereur, en disant tout haut qu’il cherchait un maître. On lui demanda si ce n’était pas Caracalla qu’il cherchait ? Il répondit que celui-là était mort. Sur quoi il fut pris pour être envoyé à l’empereur, et il dit ces mots : « Je m’en vais donc, puisqu’il le faut, non à l’empereur que vous pensez, mais à un autre ; » et là-dessus on le conduisit de Rome à Capoue, où il disparut sans qu’on ait jamais su ce qu’il devint[2].

Caractères. La plupart des talismans doivent leurs vertus à des caractères mystérieux que les anciens regardaient comme de sûrs préservatifs. Le fameux anneau qui soumit les génies à la volonté de Salomon devait toute sa force à des caractères cabalistiques. Origène condamnait chez quelques-uns des premiers chrétiens l’usage de certaines plaques de cuivre ou d’étain chargées de caractères qu’il appelle des restes de l’idolâtrie l’Enchiridion, attribué stupidement au pape Léon III, le Dragon rouge, les Clavicules de Salomon, indiquent dans tous leurs secrets magiques des caractères incompréhensibles, tracés dans des triangles ou dans des cercles, comme des moyens puissants et certains pour l’évocation des esprits.

Souvent aussi des sorciers se sont servis de papiers sur lesquels ils avaient écrit avec du sang des caractères indéchiffrables ; et ces pièces ; produites dans les procédures, ont été admises en preuves de maléfices jetés. Nous avons dit quel était le pouvoir des mots agla, abracadabra, etc. Voy. Talismans.

Caradoc (Saint), patron de Donzy en Nivernais, sous le nom de saint Caradeu. Comme d’autres saints, il fut obsédé par le diable ; mais sa vertu était si vive que le diable ne put rien contre lui.

Cardan (Jérôme), médecin astrologue et visionnaire, né à Pavie en 1501, mort à Rome en 1576. Il nous a laissé une histoire de sa vie, où il avoue sans pudeur tout ce qui peut tourner à sa honte. Il se créa beaucoup d’ennemis par ses mœurs ; du reste, ce fut un des hommes habiles de son temps. Il fit faire des pas aux mathématiques, et il paraît qu’il était savant médecin ; mais il avait une imagination presque toujours délirante, et on l’a souvent excusé en disant qu’il était fou. Il rapporte, dans le livre De vita propria, que quand la nature ne lui faisait pas sentir quelque douleur, il s’en procurait lui-même en se mordant les lèvres, ou en se tiraillant les doigts jusqu’à ce qu’il en pleurât, parce que s’il lui arrivait d’être sans douleur, il ressentait des saillies et des impétuosités si violentes qu’elles lui étaient plus insupportables que la douleur même. D’ailleurs, il aimait le mal physique à cause du plaisir qu’il éprouvait ensuite quand ce mal cessait.

Il dit, dans le livre VIII de la Variété des choses, qu’il tombait en extase quand il voulait, et qu’alors son âme voyageait hors de son corps, qui demeurait impassible et comme inanimé. — Il prétendait avoir deux âmes, l’une qui le portait au bien et à la science, l’autre qui l’entraînait au mal et à l’abrutissement. Il assure que, dans sa jeunesse, il voyait clair au milieu des ténèbres ; que l’âge affaiblit en lui cette faculté : que cependant, quoique vieux, il voyait encore en s’éveillant au milieu de la nuit, mais moins parfaitement que dans son âge tendre. Il avait cela de commun, disait-il, avec l’empereur Tibère ; il aurait pu dire aussi avec les hiboux.

Il donnait dans l’alchimie, et on reconnaît dans ses ouvrages qu’il croyait à la cabale et qu’il faisait grand cas des secrets cabalistiques. Il dit quelque part que, dans la nuit du 13 au 14 août 1491, sept démons ou esprits élémentaires de haute stature apparurent à Fazio Cardan, son père (presque aussi fou que lui), ayant l’air de gens de quarante ans, vêtus de soie, avec des capes à la grecque, des chaussures rouges et des pourpoints cramoisis ; qu’ils se dirent hommes aériens, assurant qu’ils naissaient et mouraient ; qu’ils vivaient trois cents ans ; qu’ils approchaient beaucoup plus de la nature divine que les habitants de la terre ; mais qu’il y avait néanmoins entre eux et Dieu une distance infinie. Ces hommes aériens étaient sans doute des sylphes.

Il se vantait, comme Socrate, d’avoir un démon familier, qu’il plaçait entre les substances humaines et la nature divine, et qui se communiquait à lui par les songes. Ce démon était encore un esprit élémentaire ; car, dans le dialogue intitulé Tetim,

  1. Wierus, in Pseudomonarchia dœmon.
  2. Leloyer, Histoire et discours des spectres, liv. III, ch. xvi.