Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CHA
CHA
— 161 —

place à part, il faisait sortir de l’argent du banc où il était assis. Il assurait qu’il opérait tous ces* tours par le moyen d’un esprit malin qu’il appelait Sérug. — Balthazar Bekker dit dans le Monde enchanté[1] qu’étant à cette école, il vit sur le plancher un cercle fait de craie, dans lequel on avait tracé des signes dont l’un ressemblait à la tête d’un coq ; quelques chiffres étaient au milieu. Il remarqua aussi une ligne courbe comme la poignée d’un moulin à bras ; tout cela était à demi effacé. Les écoliers avaient vu Chassen faire ces caractères magiques. Lorsqu’on lui demanda ce qu’ils signifiaient, il se tut d’abord ; il dit ensuite qu’ils les avait faits pour jouer. On voulut savoir comment il avait des cerises et de l’argent ; il répondit que l’esprit les lui donnait.

— Qui est cet esprit ?

Beelzébuth, répondit-il.

Il ajouta que le diable lui apparaissait sous forme humaine quand il avait envie de lui faire du bien ; d’autres fois sous forme de bouc ou de veau ; qu’il avait toujours un pied contrefait, etc. « Mais, dit Bekker, on finit par reconnaître que tout cela n’était qu’un jeu que Chassen avait essayé pour se rendre considérable parmi les enfants de son âge ; on s’étonne seulement qu’il ait pu le soutenir devant tant de personnes d’esprit pendant plus d’une année. »

Chassi, démon auquel les habitants des îles Mariannes attribuent le pouvoir de tourmenter ceux qui tombent dans ses mains. L’enfer est pour eux la maison de Chassi.

Chastenet (Léonarde), vieille femme de quatre-vingts ans, mendiante en Poitou, vers 1591, et sorcière. Confrontée avec Mathurin Bonnevault, qui soutenait l’avoir vue au sabbat, elle confessa qu’elle y était allée avec son mari ; que le diable, qui s’y montrait en forme de bouc, était une bête fort puante. Elle nia qu’elle eût fait aucun maléfice. Cependant elle fut convaincue, par dix-neuf témoins, d’avoir fait mourir cinq laboureurs et plusieurs bestiaux. Quand elle se vit condamnée, pour ses crimes reconnus, elle confessa qu’elle avait fait pacte avec le diable, lui avait donné de ses cheveux, et promis de faire tout le mal qu’elle pourrait ; elle ajouta que la nuit, dans sa prison, le diable était venu à elle, en forme de chat, « auquel ayant dit qu’elle voudrait être morte, icelui diable lui avait présenté deux morceaux de cire, lui disant qu’elle en mangeât, et qu’elle mourrait ; ce qu’elle n’avait voulu faire. Elle avait ces morceaux de cire ; on les visita, et on ne put juger de quelle matière ils étaient composés. Cette sorcière fut donc condamnée, et ces morceaux de cire brûlés avec elle[2]. »

Chasteté. Les livres de secrets merveilleux, qui ne respectent rien, indiquent des potions qui, selon eux, ont pour effet de révéler la chasteté, mais qui, selon l’expérience, ne révèlent rien du tout.

Chat. Le chat tient sa place dans l’histoire de la superstition. Un soldat romain ayant tué par mégarde un chat en Égypte, toute la ville se souleva ; ce fut en vain que le roi intercéda pour lui, il ne put le sauver de la fureur du peuple. Observons que les rois d’Égypte avaient rassemblé dans Alexandrie une bibliothèque immense, et qu’elle était publique : les Égyptiens cultivaient les sciences, et n’en adoraient pas moins les chats[3].

Mahomet avait beaucoup d’égards pour son chat. L’animal s’était un jour couché sur la manche pendante de la veste du prophète, et semblait y méditer si profondément, que Mahomet, pressé de se rendre à la prière, et n’osant le tirer de son extase, coupa, dit-on, la manche de sa veste. A son retour, il trouva son chat qui revenait de son assoupissement, et qui, s’apercevant de l’attention de son maître, se leva pour lui faire la révérence et plia le dos en arc. Mahomet comprit ce que cela signifiait ; il assura au chat qui faisait le gros dos une place dans son paradis. Ensuite, passant trois fois la main sur l’animal, il lui imprima, par cet attouchement, la vertu de ne jamais tomber que sur ses pattes. Ce conte n’est pas ridicule chez les Turcs[4].

  1. Tome IV, p. 154.
  2. Discours sommaire des sortilèges et vénéfices, tirés des procès criminels jugés au siège royal de Montmorillon, en Poitou, en l’année 1599, p. 19.
  3. Saint-Foix, Essai sur Paris, t. II, p. 300.
  4. Quelquefois ils laissent à leur chat par testament une rente viagère. Il existe au Caire, près de Bab-el-Naza (porte de la Victoire), un hôpital de ces ani-