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d’accepter ou de refuser le mot à présage. S’il était saisi par celui qui l’entendait et qu’il frappât son imagination, il avait toute son influence ; mais si l’auditeur le laissait tomber, ou n’y faisait pas une prompte attention, l’augure était sans force.

Clef d’or. On a publié, sous le titre de la Clef d’or, plusieurs petits volumes stupides qui enseignent les moyens infaillibles de faire fortune avec la loterie, et qui, quand la loterie existait, ne faisaient que des dupes. La Clef d’or ou le Véritable trésor de la fortune, qui se réimprimait de temps en temps à Lille, chez Castiaux, n’est pas autre chose que la découverte des nombres sympathiques, que l’auteur se vante d’avoir trouvés ; « ce qui lui a valu trois cent » mille francs en deux ans et demi ». Il est affreux de mentir aussi impunément pour engager les pauvres gens à se ruiner dans les loteries. Or, les cinq nombres sympathiques ne manquent pas de sortir, dit-il effrontément, dans les cinq tirages qui suivent la sortie du numéro indicateur. Il faut donc les suivre pendant cinq tirages seulement pour faire fortune. Par exemple, les nombres sympathiques de 4 sont 30, 40, 50, 70, 76. Ces cinq numéros sortiront dans les cinq tirages qui suivront la sortie de 4, non pas tous à la fois peut-être, mais au moins deux ou trois ensemble. Du reste, les nombres sympathiques sont imaginaires, et chacun les dispose à son gré.

Cleidomancie ou Cleidonomancie, divination par le moyen d’une clef. On voit dans Delrio et Delancre qu’on employait cette divination pour découvrir l’auteur d’un vol ou d’un meurtre. On tortillait autour d’une clef un billet contenant le nom de celui qu’on soupçonnait ; puis on attachait cette clef à une Bible, qu’une fille vierge soutenait de ses mains. Le devin marmottait ensuite tout bas le nom des personnes soupçonnées ; et on voyait le papier tourner et se mouvoir sensiblement. On devine encore d’une autre manière par la cleidomancie. On attache étroitement une clef sur la première page d’un livre ; on ferme le livre avec une corde, de façon que l’anneau de la clef soit dehors ; la personne qui a quelque secret à découvrir par ce moyen pose le doigt dans l’anneau de la clef, en prononçant tout bas le nom qu’elle soupçonne. S’il est innocent, la clef reste immobile ; s’il est coupable, elle tourne avec une telle violence qu’elle rompt la corde qui attache le livre[1].

Les Cosaques et les Russes emploient souvent cette divination ; mais ils mettent la clef en travers et non à plat, de manière que la compression lui fait faire le quart de tour. Ils croient savoir par là si la maison où ils sont est riche, si leur famille se porte bien en leur absence, si leur père vit encore, etc. Ils font usage surtout de cette divination pour découvrir les trésors. On les a vus plusieurs fois en France recourir à cet oracle de la clef sur l’Évangile de saint Jean, durant l’invasion de 1814.

Clément, prêtre écossais, contemporain de Charlemagne. Il soutenait qu’en descendant aux enfers Jésus-Christ en avait délivré tous les damnés, sans exception. Cette doctrine a été condamnée.

Cléonice. Pausanias, général lacédémonien, ayant tué à Vicence une vertueuse jeune fille, nommée Cléonice, qui lui avait résisté, vécut dans un effroi continuel et ne cessa de voir, jusqu’à sa mort, le spectre de cette jeune fille à ses côtés. — Si l’on connaissait ce qui a précédé les visions, on en trouverait souvent la source dans les remords.

Cléopâtre. C’est, dit-on, une erreur que l’opinion où nous sommes que Cléopâtre se fit mourir avec deux aspics. Plutarque dit, dans la vie de Marc-Antoine, que personne n’a jamais su comment elle était morte. Quelques-uns assurent qu’elle prit un poison qu’elle avait coutume de porter da’ns ses cheveux. On ne trouva point d’aspic dans le lieu où elle était morte ; on dit seulement qu’on lui remarqua au bras droit deux piqûres imperceptibles ; c’est là-dessus qu’Auguste hasarda l’idée qui est devenue populaire sur le genre de sa mort. Il est probable qu’elle se piqua avec une aiguille empoisonnée[2].

Cléromancie, art de dire la bonne aventure par le sort jeté, c’est-à-dire avec des dés, des osselets, des fèves noires ou blanches. On les agitait dans un vase, et, après avoir prié les dieux, on les renversait sur une table et l’on prédisait l’avenir d’après la disposition des objets. Il y avait à Bura, en Achaïe, un oracle d’Hercule qui se rendait sur un tablier avec des dés. Le pèlerin, après avoir prié, jetait quatre dés, dont le prêtre d’Hercule considérait les points, et il en tirait la conjecture de ce qui devait arriver. Il fallait que ces dés fussent faits d’os de bêtes sacrifiées[3]. Le plus souvent on écrivait sur des osselets ou sur de petites tablettes qu’on mêlait dans une urne ; ensuite on faisait tirer un lot par le premier jeune garçon qui se rencontrait ; et si l’inscription qui sortait avait du rapport avec ce qu’on voulait savoir, c était une prophétie certaine. Cette divination était commune en Égypte et chez les Romains ; et l’on trouvait fréquemment des cléromanciens dans les rues et sur les places publiques, comme on trouve dans nos fêtes des cartomanciens. Voy. Astragalomancie.

Clèves. On dit que le diable est chef de cette noble maison et père des comtes de Clèves. Les cabalistes prétendent que ce fut un sylphe qui vint à Clèves par les airs, sur un navire merveil-

  1. Delancre, Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues, traité V.
  2. Voyez Brown, Des erreurs populaires, liv. V, ch. xii.
  3. Delancre, Incrédulité et mécréance, etc., traité V.