Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CLI
CLO
— 174 —

leux traîné par des cygnes, et qui repartit un jour, en plein midi, à la vue de tout le monde, sur son navire aérien. « Qu’a-t-il fait aux docteurs qui les oblige à l’ériger en démon ? » dit l’abbé de Villars[1]. C’est en mémoire de cette origine merveilleuse, diversement expliquée, qu’on avait fondé au pays de Clèves l’ordre des chevaliers du Cygne.

Climatérique. Voy. Année.

Clistheret, démon qui fait paraître la nuit au milieu du jour, et le jour au milieu de la nuit, quand c’est son caprice, si vous en croyez les Clavicules de Salomon.

Cloches. Les anciens connaissaient les cloches, dont on attribue l’invention aux Égyptiens. Elles étaient en usage à Athènes et chez les Romains. Les musulmans n’ont point de cloches dans leurs minarets ; ils croient que le son des cloches effrayerait les âmes des bienheureux dans le paradis. Les cloches ne furent généralement employées dans les églises chrétiennes que vers le septième siècle. On voit dans Alcuin que la cérémonie du baptême qui les consacre avait lieu déjà du temps de Charlemagne.

C’est, dit-on, parce qu’elles sont baptisées que les cloches sont odieuses à Satan. On assure que quand le diable porte ses suppôts au sabbat, il est forcé de les laisser tomber s’il entend le son des cloches. Torquemada raconte, dans son Hexamcron, qu’une femme revenant du sabbat, portée dans les airs par l’esprit malin, entendit la cloche qui sonnait Y Angélus. Aussitôt le diable l’ayant lâchée, elle tomba dans une haie d’épines, au bord d’une rivière. Elle aperçut un jeune homme à qui elle demanda secours, et qui, à force de prières, se décida à la reconduire en sa maison. Il la pressa tellement de lui avouer les circonstances de son aventure, qu’elle la lui apprit ; elle lui fit ensuite de petits présents, pour l’engager à ne rien dire ; mais la chose ne manqua pourtant pas de se répandre.

On croit dans quelques contrées que c’est le diable qui excite les tempêtes, et que, par conséquent, les cloches conjurent les orages. Les paysans sonnent donc les cloches dès qu’ils entendent le tonnerre, ce qui maintenant est reconnu pour une imprudence. Citons à ce sujet un fait consigné dans les Mémoires de l’Académie des sciences : « En 1718, le 15 août, un vaste orage s’étendit sur la basse Bretagne, le tonnerre tomba sur vingt-quatre églises situées entre Landernau et Saint-Pol de Léon ; c’était précisément celles où l’on sonnait pour écarter la foudre ; celles où l’on ne sonna pas furent épargnées. » M. Saignes pense cependant que le son des cloches n’attire pas le tonnerre, parce que leur mouvement a peu d’intensité ; mais le bruit seul agite l’air avec violence, et le son du tambour sur un lieu élevé ferait peut-être le même effet d’attirer la foudre.

On a cru encore, dans certains pays, qu’on se mettait à l’abri de toute atteinte des orages en portant sur soi un morceau de la corde attachée à la cloche au moment de son baptême.

Cloche du diable. Il nous reste à dire un mot de cette cloche. Dusaulx visitant les Pyrénées à pied, son guide, qui était un franc montagnard, le conduisit dans un marécage comme pour lui montrer quelque chose de curieux. Il prétendit qu’une cloche avait jadis été enfoncée dans cet endroit ; que cent ans après le diable, à qui appartenaient alors tous les métaux souterrains, s’était emparé de cette cloche, et qu’un pâtre depuis peu de temps l’avait entendu sonner pendant la nuit de Noël dans l’intérieur de la montagne. — Fort bien, dit Dusaulx ; ce qu’on a pris pour le son d’une cloche ne viendrait-il pas plutôt des eaux souterraines qui s’engouffrent dans quelque cavité ? — Oh ! que non, répliqua le guide.

Cloche du jugement dernier. Il y a des cloches célèbres. On respecte beaucoup dans les Pyrénées la cloche de la vallée ; on lui donne toutes sortes d’origines merveilleuses : la plus commune, c’est qu’elle a été fondue par les anges. On l’entend, ou peut-être on croit l’entendre quelquefois : mais on ne sait pas où elle est suspendue. C’est cette cloche qui doit, à ce que disent les montagnards, réveiller leurs patriarches endormis dans les creux des rochers, et appeler les hommes au dernier jugement.

Lorsque Ferdinand le Catholique fut attaqué de la maladie dont il mourut, la fameuse cloche de la Villela (qui a dix brasses de tour) sonna, dit-on, d’elle-même ; ce qui arrive quand l’Espagne est menacée de quelque malheur. On publia aussitôt qu’elle annonçait la mort du roi, qui mourut effectivement peu après[2].

Clofye, oiseau d’Afrique, noir et gros comme un étourneau. C’est pour les nègres un oiseau de présage. Il prédit les bons événements, lorsque en chantant il s’élève dans les airs ; il en pronostique de mauvais s’il s’abaisse. Pour annoncer à quelqu’un une mort funeste, on lui dit que le Clofye a chanté sur lui.

Clotho. L’une des trois Parques et la plus jeune. C’est elle qui file les destinées ; on lui donne une quenouille d’une hauteur prodigieuse. La plupart des mythologues la placent avec ses sœurs à la porte du repaire de Pluton. Lucien la met dans la barque à Caron ; mais Plutarque dit qu’elle est dans la lune, dont elle dirige les mouvements.

Clou. Il y a sur les clous quelques petites superstitions dont on fera son profit. Les Grecs modernes sont persuadés qu’en fichant le clou

  1. L’abbé de Villars, dans le Comte de Gabalis.
  2. Voyez, dans les Légendes d’Allemagne, de Raoul de Navery, La cloche du prieur.