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quel était l’assassin, et quel intérêt avait pu armer son bras ? La pauvre victime était âgée de onze mois à peine ; les soupçons ne tardèrent pas à se porter sur un homme qui était au service de la ferme. Ses antécédents étaient faits pour les éveiller. Voleur d’habitude depuis son enfance, il avait été condamné pour vol à deux ans de prison, et pour se soustraire aux recherches de la justice, il avait changé de nom ; il avait substitué à son nom de Vautrin celui de Morisot. Cet homme est âgé de vingt-quatre ans. Il était taciturne, recherchait l’isolement, et avait plusieurs fois donné des preuves d’une froide cruauté. A la nouvelle de la disparition de l’enfant, Vautrin avait pâli ; et au lieu de se livrer comme tous à des recherches actives, on l’avait vu morne et préoccupé, cherchant à diriger les soupçons sur un ancien domestique de son maître, qui aurait pris l’enfant pour lui couper la tête et aller avec cette tête dans les châteaux.

» Mais cet étrange propos, émis avant que personne sût si la tête de l’enfant avait été mutilée, était une révélation. Il indiquait le mobile et l’intérêt du crime. Vautrin avouait en effet le lendemain qu’il avait entendu dire que le crâne d’un enfant assassiné avait la propriété de rendre invisible celui qui le portait, et de permettre à un voleur qui s’en ferait une lanterne, de pénétrer impunément dans les habitations. Vautrin croyait à cette odieuse superstition ; ainsi s’expliquaient l’intérêt du crime et la mutilation. Vautrin fut arrêté, et l’interrogatoire qui suivit ne vint que trop confirmer les soupçons qu’on avait eus sur lui. Les investigations ont d’ailleurs fait découvrir derrière des buissons des débris de chemise et un pantalon souillés de sang et de boue appartenant à Vautrin et reconnus par lui ; la tête de la victime a été également retrouvée dans un bois voisin, et à quelques mètres un vieux bonnet rayé ayant appartenu à l’inculpé. A l’audience, comme dans l’instruction, Vautrin se renferma dans un système complet de dénégations. Mais les dépositions des témoins étaient si accablantes, que le verdict du jury fut affirmatif sans circonstances atténuantes., En conséquence, Vautrin fut condamné à la peine de mort. »

Crânologie. Voy. Gall.

Crapaud. Les crapauds tiennent une grande place dans la sorcellerie. Les sorcières les aiment et les choient. Elles ont toujours soin d’en avoir

Crapaud se rendant au sabbat.


quelques-uns, qu’elles soignent, qu’elles nourrissent et qu’elles accoutrent de livrées de velours vert, rouge ou noir. Pierre Delancre dit que les grandes sorcières sont ordinairement assistées de quelque démon, qui est toujours sur leur épaule gauche en forme de crapaud, ayant deux petites cornes en tête ; il ne peut être vu que de ceux qui sont ou qui ont été sorciers. Le diable baptise ces crapauds au sabbat. Jeannette Abadie et d’autres femmes ont révélé qu’elles avaient vu de ces crapauds habillés de velours rouge, et quelques-uns de velours noir ; ils portaient une sonnette au cou et une autre aux pattes de derrière.

Au mois de septembre 1610, un homme se promenant dans la campagne, près de Bazas, vit un chien qui se tourmentait devant un trou ; ayant fait creuser, il y trouva deux grands pots renversés l’un sur l’autre, liés ensemble à leur ouverture et enveloppés de toile ; le chien ne se calmant pas, on ouvrit les pots, qui se trouvèrent pleins de son, au dedans duquel reposait un gros crapaud vêtu de taffetas vert[1]. C’était à coup sûr une sorcière qui l’avait mis là pour quelque maléfice.

Crapauds dansant au sabbat.

Nous rions de ces choses à présent, mais c’étaient choses sérieuses au seizième siècle, et choses dont l’esprit ne nous est pas expliqué.

  1. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, discours iv, p. 133.