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CRI
CRO
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un cœur de bœuf, et soixante-trois clous à lattes que vous planterez en croix dans ledit cœur ; vous le ferez bouillir dans un pot neuf avec un crapaud et une feuille d’oseille ; trois jours après, le voleur, s’il n’est pas mort, viendra vous rapporter votre argent, ou bien il sera ensorcelé.

Le paysan fit tout ce qui lui était recommandé. Mais son argent ne revint pas ; d’où il conclut que son voleur était ensorcelé, et il s’en frotta les mains.

Cristoval de Garalde. Voy. Marissane.

Critomancie, divination qui se pratiquait par le moyen des viandes et des gâteaux. On considérait la pâte des gâteaux qu’on offrait en sacrifice, et la farine d’orge qu’on répandait sur les victimes, pour en tirer des présages.

Crocodiles. Les Égyptiens modernes assurent que jadis les crocodiles étaient des animaux doux, et ils racontent de la manière suivante l’origine de leur férocité. Humeth, gouverneur d’Égypte sous Gisar Al-Mutacil, calife de Bagdad, ayant fait mettre en pièces l’image de plomb d’un grand crocodile (figure talismanique) que l’on avait trouvée en creusant les fondements d’un ancien temple de païens, à l’heure même de cette exécution les crocodiles sortirent du Nil, et ne cessèrent, depuis ce temps, de nuire par leur voracité[1]. Voy. Étoiles. Pline et Plutarque témoignent que les Égyptiens connaissent, par l’endroit où les crocodiles pondent


leurs œufs, jusqu’où ira le débordement du Nil. Mais il serait difficile, dit Thomas Brown, de comprendre comment ces animaux ont pu deviner un effet qui, dans ces circonstances, dépend de causes extrêmement éloignées, c’est-à-dire de la mesure des rivages dans l’Éthiopie. Les habitants de Thèbes et du lac Mœris rendaient un culte particulier aux crocodiles. Ils leur mettaient aux oreilles des pierres précieuses et des ornements d’or, et les nourrissaient de viandes consacrées. Après leur mort, ils les embaumaient et les déposaient en des urnes que l’on portait dans le labyrinthe qui servait de sépulture aux rois. Les Ombites poussaient même la superstition jusqu’à se réjouir de voir leurs enfants enlevés par les crocodiles. Mais ces animaux étaient en horreur dans le reste de l’Egypte, excepté à Tentiris ou Denderah, dont les habitants ne les redoutaient pas. Ceux qui les adoraient disaient que, pendant les sept jours consacrés aux fêtes de la naissance d’Apis, ils oubliaient leur férocité naturelle et ne faisaient aucun mal ; mais que le huitième jour, après midi, ils redevenaient furieux.

Croft (Elisabeth). Quand les Anglais apprirent que leur reine Marie Tudor, que l’on a si lâchement calomniée, allait épouser le roi d’Espagne Philippe II, ce fut parmi les réformés un grand effroi, et plusieurs intrigues surgirent pour empêcher cette union. Un certain Drack obtint d’une jeune fille nommée Elisabeth Croft, moyennant une somme d’argent, qu’elle se laisserait enfermer entre deux murs, et qu’au moyen de tuyaux dissimulés elle pourrait dire les paroles qu’on lui mettrait à l’oreille, ce qui se fit. Bientôt donc on apprit dans Londres qu’on entendait des voix qui venaient certainement du ciel, puisqu’on ne voyait absolument personne. La multitude accourut. La voix menaçait l’Angleterre des plus affreux désastres si la reine se mariait avec l’Espagnol ; elle s’élevait avec fureur contre le Pape et contre l’Église romaine, et les réformés se pâmaient d’aise. Cette imposture dura plusieurs jours sans qu’on en soupçonnât le procédé, et il n’était bruit dans Londres que de l’ange qui parlait. Mais parmi les magistrats, quelques-uns étaient encore catholiques ; ils soupçonnèrent un stratagème ; on démolit le mur d’où sortait la voix, et on découvrit Élisabeth Croft. Il ne paraît pas qu’on l’ait punie, non plus que son suborneur, parce qu’ils avaient dans la foule de nombreux partisans.

Croix. Ce saint nom, qui est la terreur de l’enfer, ne devrait pas non plus figurer ici. Mais la superstition, qui abuse de tout, ne l’a pas respecté. Il y a des croix dans toutes les formules des grimoires, et aucun sorcier ne s’est jamais vanté de commander au moindre démon sans ce signe.

Les croix que les sorcières portent au cou et à leurs chapelets, et celles qui se trouvent aux lieux où se fait le sabbat, ne sont jamais entières, comme on le voit par celles que l’on découvre dans les cimetières infestés de sorciers et dans les lieux où les sabbats se tiennent. La raison en est, disent les démonomanes, que le diable ne peut approcher d’une croix intacte.

Croix (Épreuve de la). Voy. Épreuves.

Croix (Magdeleine de la). Voy. Magdeleine.

Cromeruach, idole principale des Irlandais, avant l’arrivée de saint Patrice en leur pays. L’approche du saint la fit tomber, disent les légendes, tandis que les divinités inférieures s’en-

  1. Leloyer, Histoire et discours des spectres, etc., liv. IV, ch. xxi, p. 417.