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de sainte Gudule. Toutes ses ruses avaient été vaines, lorsque enfin il se résolut à un dernier effort. C’était la coutume de cette noble et chaste vierge de se lever au chant du coq et d’aller prier à l’église, précédée de sa servante portant une lanterne. Que fit le père de toute malice ? il éteignit la lanterne en soufflant des sus. La sainte eut recours à Dieu, et, à sa prière, la mèche se ralluma ; miracle de la foi qui suffit pour renvoyer le malin honteux et confus.

Il n’est pas sans exemple que le diable se laisse tromper par les plus simples artifices, et une équivoque suffit souvent pour le rendre dupe dans ses marchés avec les sorciers ; comme lorsque Nostradamus obtint son secours à condition qu’il lui appartiendrait tout entier après sa mort, soit qu’il fût enterré dans une église, soit qu’il fût enterré dehors. Mais Nostradamus ayant ordonné par testament que son cercueil fût déposé dans la muraille de la sacristie, son corps y repose encore, et il n’est ni dans l’église ni dehors.

Le vieil Heywood a rédigé en vers une nomenclature curieuse de tous les petits démons de la superstition populaire ; il y comprend les farfadets, les follets, les alfs ou elfs, les Robin Goodfellows, et ces lutins que Shakespeare a don nés pour sujets à Oberon et à Titania. On a prouvé que le roi ou la reine de féerie n’est autre que Satan lui-même, n’importe son déguisement. Voy. Puck et tous les lutins.

On trouvera peut-être un peu de frivolité dans tout ce qui vient d’être dit ici sur le diable. Mais ce livre n’est pas un livre de théologie. Les lecteurs chrétiens savent que ce diable, dont saint Louis ne prononçait jamais le nom et qui est à tout propos dans la bouche de nous tous, cet esprit de malice noire, que nous citons souvent pour avoir l’air de nous en jouer, est le plus perfide, le plus cruel et le plus implacable de nos ennemis ; « qu’il rôde autour de nous cherchant qui dévorer ». Si nous l’avons traité ici d’une manière trop légère, c’est par mépris ; ce qui l’offense, comme l’a remarqué saint François de Sales, et ce même saint conseille à ceux qui se trouvent circonvenus de lui ou des siens de repousser ces misérables en les nommant de sobriquets qui les humilient.

On a publié à Amsterdam une Histoire du diable, 2 volumes in-12, qui est une espèce de mauvais roman, où les aventures du diable sont plus que médiocrement accommodées à la fantaisie de l’auteur. M. Frédéric Soulié a prodigué dans les Mémoires du diable beaucoup de talent à faire un livre, qui aurait pu être fort singulier et fort piquant si l’auteur avait respecté les mœurs. Voy. Démons.

Diable de mer. « Grand bruit parmi les ma telots ; on a crié tout d’un coup : Voilà le diable, il faut l’avoir. Aussitôt tout s’est réveillé, tout a pris les armes. On ne voyait que piques, harpons et mousquets ; j’ai couru moi-même pour voir le diable, et j’ai vu un grand poisson qui ressemble à une raie, hors qu’il a deux cornes comme un taureau. Il a fait quelques caracoles, toujours accompagné d’un poisson blanc qui, de temps en temps, va à la petite guerre et vient se remettre sous le diable. Entre ses deux cornes, il porte un petit poisson gris, qu’on appelle le pilote du diable, parce qu’il le conduit et le pique quand il voit du poisson ; et alors le diable part comme un trait. Je vous conte tout ce que je viens de voir[1]. »

Diablerets, montagnes de Suisse qui ont reçu ce nom parce que dans la contrée on les croit habitées intérieurement par des diables. Les bonnes gens disent que c’est un faubourg de l’enfer.

Diables bleus. On appelle ainsi les hallucinations. Voy. ce mot.

Diamant. La superstition lui attribuait des ver tus merveilleuses contre le poison, la peste, les terreurs paniques, les insomnies, les prestiges et les enchantements. Il calmait la colère et entretenait l’union entre les époux, ce qui lui avait fait donner le nom de pierre de réconciliation. Il avait en outre cette propriété talismanique de rendre invincible celui qui le portait, pourvu que, sous la planète de Mars, la figure de ce dieu ou celle d’Hercule surmontant l’hydre y fût gravée. On a été jusqu’à prétendre que les diamants en engendraient d’autres ; et Ruérus parle sérieusement d’une princesse de Luxembourg qui en avait d’héréditaires, lesquels en produisaient d’autres en certains temps[2]. — Enfin les savants du seizième siècle croyaient qu’on pouvait amollir le diamant avec du sang de bouc[3].

Diambiliche, nom du diable dans l’île de Madagascar. Il y est plus révéré que les dieux mêmes : les prêtres lui offrent les prémices de tous les sacrifices.

Diave. C’est le nom du diable dans les îles Maldives. On lit dans le voyage de Pyrard de Laval, imprimé en 1615, que les habitants de ces îles se figuraient alors la terre comme un grand plateau flottant dans l’espace, entouré d’un immense rempart de cuivre qui le protège contre l’envahissement des eaux. Ils croyaient que toutes les nuits le diable cherchait à percer ce rempart, et que quand il y serait parvenu ce serait le der nier déluge et la fin du monde. Aussi tous ces habitants se levaient avant le jour pour prier Dieu d’empêcher le diable.

Dibasson, sorcière arrêtée à vingt-cinq ans,

  1. L’abbé de Choisy, Relation de l’ambassade de Siam.
  2. Incrédulité et mécréance du sortilège, etc., tr. V, p. 37.
  3. Erasme, Discours sur l’Enfant Jésus.