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EAU
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que l’Église et de tradition apostolique[1], de bénir par des prières, des exorcismes et des cérémonies, l’eau dont on fait des aspersions sur les fidèles et sur les choses qui sont à leur usage. Par cette bénédiction, l’Église demande à Dieu de purifier du péché ceux qui s’en serviront, d’écarter d’eux les embûches de l’ennemi du salut et les fléaux de ce monde[2]. Dans les constitutions apostoliques, l’eau bénite est appelée un moyen d’expier le péché et de mettre en fuite le démon.

On se sert aussi au sabbat d’une eau particulière, que l’on ose appeler eau bénite. Le sorcier qui fait les fonctions sacrilèges qu’on appelle la messe du sabbat est chargé d’en asperger les assistants[3].

Eau bouillante (Épreuve de l’). On l’employait autrefois pour découvrir la vérité dans les tortures qu’on appelait témérairement jugements de Dieu. L’accusé plongeait la main dans un vase plein d’eau bouillante, pour y prendre un anneau suspendu plus ou moins profondément. Ensuite on enveloppait la main du patient avec un linge sur lequel le juge et la partie adverse apposaient leurs sceaux. Au bout de trois jours on les levait ; s’il ne paraissait point de marque de brûlure, l’accusé était renvoyé absous.

Eau d’ange. Pour faire de bonne eau d’ange, ayez un grand alambic dans lequel vous mettez les drogues suivantes : benjoin, quatre onces ; styrax, deux onces ; sandal citrin, une once ; clous de girofle, deux drachmes ; deux ou trois morceaux d’iris de Florence ; la moitié d’une écorce de citron ; deux noix muscades ; cannelle, demi-once ; deux pintes de bonne eau de roche ; chopine d’eau de fleurs d’orange ; chopine d’eau de mélilot ; vous mettez le tout dans un alambic bien scellé et vous distillez au bain-marie. Cette distillation sera une eau d’ange exquise[4], ainsi nommée parce que la recette en fut enseignée par un ange… Elle guérit beaucoup de maladies, disent ses prôneurs.

Eau froide (Épreuve de l’). Elle était fort en usage au neuvième siècle et s’étendait non-seulement aux sorciers et aux hérétiques, mais encore à tout accusé dont le crime n’était pas évident. Le coupable ou prétendu tel était jeté, la main droite liée au pied gauche, et la main gauche liée au pied droit, dans un bassin ou dans une grande cuve pleine d’eau, sur laquelle on priait pour qu’elle ne pût supporter un criminel : de façon que celui qui n’enfonçait pas était déclaré innocent.

Eau lustrale. Eau commune dans laquelle, chez les peuples païens, on éteignait un tison ardent tiré du foyer des sacrifices. Quand il y avait un mort dans une maison, on mettait à la porte un grand vase rempli d’eau lustrale, apportée de quelque maison où il n’y avait point de mort. Tous ceux qui venaient à la maison en deuil s’aspergeaient de cette eau en sortant. — Les druides employaient l’eau lustrale à chasser les maléfices.

Eau verte. On lit dans Delancre que les sorciers composaient de son temps une eau verte, dont le contact donnait la mort. Voy. Poisons.

Ébérard, archevêque de Trêves, mort en 1067. Ayant menacé les Juifs de les chasser de sa ville, si dans un certain temps qu’il leur accorda pour se faire instruire, ils n’embrassaient pas le christianisme, ces misérables, qui se disaient réduits au désespoir, subornèrent un sorcier qui, pour de l’argent, leur baptisa du nom de l’évêque une image de cire, à laquelle ils attachèrent des mèches et des bougies ; ils les allumèrent le samedi saint, comme le prélat allait donner le baptême. Pendant qu’il était occupé à cette sainte fonction, la statue étant à moitié consumée, Ébérard se sentit extrêmement mal ; on le conduisit dans la sacristie, où (dit la chronique) il expira bientôt après[5].

Éblis, nom que les mahométans donnent au diable. Ils disent qu’au, moment de la naissance de leur prophète, le trône d’Éblis fut précipité au fond de l’enfer et que les idoles des gentils furent renversées.

Ébroin. On lit ceci dans le B. Jacques de Varasc (legenda exiv) : — Une petite troupe de pieux cénobites regagnait de nuit le monastère. Ils arrivèrent au bord d’un grand fleuve et s’ar-

rêtèrent sur le gazon pour se reposer un instant. Bientôt ils entendirent plusieurs rameurs qui descendaient le fleuve avec une grande impétuosité. L’un des moines leur demanda qui ils étaient : « Nous sommes des démons, répondirent les rameurs, et nous emportons aux enfers l’âme d’É-

  1. Le P. Lebrun, Explication des cérém., t. I, p. 76.
  2. Bergier, Dictionnaire théologique.
  3. Boguet, Discours des sorciers, ch. xxii, p. 441, et Delancre, Tableau de l’inconstance des démons, etc., liv. IV, dise, ni, p. 457.
  4. Secrets du Petit Albert, p. 462.
  5. Histoire des archevêques de Trêves, ch. lvii.