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FÉE
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d’Espagne, ou sur un nuage. On assurait que, par un caprice de leur destin, les fées étaient aveugles chez elles et avaient cent yeux dehors. Frey remarque qu’il y avait entre les fées, comme parmi les hommes, inégalité de moyens et de puissance. Dans les romans de chevalerie et dans les contes on voit souvent une bonne fée vaincue par une méchante qui a plus de pouvoir.

Les cabalistes ont aussi adopté l’existence des fées, mais ils prétendent qu’elles sont des sylphides, ou esprits de l’air. On vit, sous Charlemagne et sous Louis le Débonnaire, une multitude de ces esprits, que les légendaires appelèrent des démons, les cabalistes des sylphes, et nos chroniqueurs des fées. Corneille de Kempen assure que, du temps de Lothaire, il y avait en Frise quantité de fées qui séjournaient dans les grottes, autour des montagnes, et qui ne sortaient qu’au clair de la lune. Olaùs Magnus dit qu’on en voyait beaucoup en Suède de son temps. « Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des antres obscurs dans le plus profond des forêts ; elles se montrent quelquefois, parlent à ceux qui les consultent, et s’évanouissent subitement. » On voit dans Froissart qu’il y avait

Fée des cavernes.


également une multitude de fées dans l’île de Céphalonie ; qu’elles protégeaient le pays contre tout méchef, et qu’elles s’entretenaient familièrement avec les femmes de l’île. Les femmes blanches de l’Allemagne sont encore des fées ; mais celles-là étaient presque toujours dangereuses.

Leloyer conte que les Écossais avaient des fées, ou fairs, ou fairfolks, qui venaient la nuit dans les prairies. Ces fées paraissent être les striges, ou magiciennes, dont parle Ausone. Hector de Boëce, dans ses Annales d’Ecosse, dit que trois de ces fées prophétisèrent à Banquo, chef des Stuarts, la grandeur future de sa maison. Skakspeare, dans son Macbeth, en a fait trois sorcières. Il reste beaucoup de monuments de la croyance aux fées : telles sont ces grottes du Chablais qu’on appelle les grottes des fées. On n’y aborde qu’avec peine. Chacune des trois grottes a, dans le fond, un bassin dont l’eau passe pour avoir des vertus miraculeuses. L’eau qui distille dans la grotte supérieure, à travers le rocher, a formé, sous la voûte, la figure d’une poule qui couve ses poussins. À côté du bassin on voit un rouet, ou tour à filer, avec la quenouille. Les femmes des environs, dit un écrivain du dernier siècle, prétendent avoir vu autrefois, dans l’enfoncement, une femme pétrifiée au-dessus du rouet. Aussi on n’osait guère approcher de ces grottes ; mais depuis que la figure de la femme a disparu on est devenu moins timide. Auprès de Ganges, en Languedoc, on