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gardent le grisou comme un lutin de méchante espèce.

Grœnjette. Il y a sur les côtes de la Baltique, comme dans la plupart des contrées montagneuses de l’Europe, des chasseurs défunts, condamnés pour leurs méfaits à courir éternellement à travers les marais et les taillis. Les habitants du Sternsklint entendent souvent le soir les aboiements des chiens de Grœnjette ; ils le voient passer dans la vallée, le chasseur réprouvé, la pique à la main ; et ils déposent devant leur porte un peu d’avoine pour son cheval, afin que dans ses courses il ne foule pas aux pieds leurs moissons[1]. Voy. Veneur.

Gros-Jacques, sorcier. Voy. Boguet.

Grospetter. Voy. Laghernard.

Grossesse. On a cru longtemps à Paris qu’une femme enceinte qui se regarde dans un miroir croit voir le diable : fable autorisée par la peur qu’eut de son ombre une femme grosse, dans le temps qu’elle s’y mirait, et persuadée par son accoucheur qui lui dit qu’il était toujours dangereux de se regarder enceinte. On assure aussi qu’une femme grosse qui regarde un cadavre aura un enfant pâle et livide[2]. Dans certains cantons du Brésil, aucun mari ne tue d’animal durant la grossesse de sa femme, dans l’opinion que le fruit qu’elle porte s’en ressentirait. Voy. {{DIv|Imagination. On ignere encore le motif pour lequel certaines églises particulières refusèrent longtemps la sépulture aux femmes qui mouraient enceintes ; c’était sans doute pour engager les femmes à redoubler de soins envers leurs enfants. Un concile tenu à Rouen en 1074 a ordonné que la sépulture en terre sainte ne fût nulle part refusée aux femmes enceintes ou mortes pendant l’accouchement.

Grosse-Tête (Robert), évêque de Lincoln, auquel Gouvérus donne une androïde comme celle d’Albert le Grand.

Gruau de la Barre, un des nombreux prétendants que nous avons vus réclamer le trône de Louis XVI, en prenant sans peur le nom de Louis XVII, a fait imprimer en 1840 un volume in-12 intitulé Révélations sur les erreurs de l’Ancien Testament. Il débute ainsi :

« Londres, 1840, le mercredi 5 février.

» Moi, Charles-Louis, duc de Normandie, qui écris ceci, j’ai reconnu que la sainte volonté de l’Éternel, le Tout-Puissant, est infaillible ; et que Dieu, selon son incomparable sagesse, dans l’intérêt du salut des mortels de cette terre, a voulu se servir de l’orphelin du Temple, fils du roi-martyr de France et de Marie-Antoinette, pour répandre dans le monde entier la lumière de la véritable doctrine céleste qui déjà avait été renouvelée, dans son temps, par l’ange de la face de l’Éternel, notre Seigneur Jésus-Christ. J’atteste et je confesse devant Dieu et devant l’univers qu’en accomplissant ce devoir qui m’est commandé, je ne fais rien de moi-même ; mais que je suis guidé par l’ange du Tout-Puissant, qui me parle visiblement en esprit et en vérité. J’atteste et je confesse encore que cet ange est celui qui m’a dicté et fait écrire la Doctrine céleste. »

Or, cette doctrine céleste, dictée par un ange au duc de Normandie, n’est autre chose que la négation de tout l’Ancien Testament, pour établir l’éternité de la matière et un stupide panthéisme tiré des plus absurdes écarts de PigaultLebrun, de Dupuis, de d’Holbach et de Voltaire. Ce livre a été publié à Paris par le docteur Charles de Cosson, seulement en sa première partie. En 1841, une deuxième et une troisième partie ont paru réunies en un autre volume in-12, sous le titre de Salomon le Sage, fils de David, sa renaissance sur cette terre et révélation céleste publié par M. Gruau de la Barre, ancien procureur du roi. Deuxième et troisième partie, faisant suite à la première, intitulée Révélations sur les erreurs de l’Ancien Testament. Si le duc de Normandie a démoli l’histoire de nos origines, M. Gruau de la Barre la reconstruit. Il fait créer le monde avec cent soixante-douze paradis, par l’éternel Esprit-Saint. La terre subit six révolutions avant d’être propre à recevoir des hommes pour habitants. Alors l’éternel Esprit-Saint forme Lithamana, son premier né, et crée toutes les âmes, leur donnant la connaissance du bien et du mal. Il crée aussi les anges, parmi lesquels il y a bientôt un séditieux qu’on appelle Lisathama. L’éternel Esprit-Saint met les âmes créées dans des corps qui peuplent la terre ; il chasse du ciel Lisathama et ses adhérents, qui vont tenter les hommes et les font tomber. Caïn tue Abel ; mais pourtant Caïn est bon au fond et fait une grande pénitence. Toute l’histoire sainte est travestie ensuite de la manière la plus prolixe et dans un but que nous ne pouvons apercevoir.

Guacharo. Dans la montagne de Tuméréquiri, située à quelque distance de Cumana, se trouve la caverne de Guacharo, fameuse parmi les Indiens. Elle est immense et sert d’habitation à des milliers d’oiseaux nocturnes dont la graisse donne l’huile de guacharo. Il en sort une assez grande rivière ; on entend dans l’intérieur le cri lugubre de ces oiseaux, cri que les Indiens attribuent aux âmes qu’ils croient forcées d’entrer dans cette caverne pour passer dans l’autre monde. Ce séjour ténébreux, disent-ils, leur arrache les gémissements plaintifs qu’on entend au dehors. Les Indiens du gouvernement de Cumana, non convertis à la fui, ont encore du respect pour cette opinion. Parmi ces peuples,

  1. Marmier, Trad. de la Baltique.
  2. Brown, Essai sur les erreurs populaires, p. 401.