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d’Herbadilla, à l’ombre d’un chêne, une voix Lui cria : Fidèle confesseur de la foi, éloigne-toi de la cité pécheresse. Saint Martin s’éloigne, et soudain jaillissent, avec un bruit affreux, des eaux jusqu’alors inaperçues, et qui faisaient éruption d’une caverne profonde. Le vallon où s’élevait la Babylone des Bretons fut tout à coup submergé. À la surface de cette onde sépulcrale vinrent aboutir par milliers des bulles d’air, derniers soupirs de ceux qui expiraient dans l’abîme. Pour perpétuer le souvenir du châtiment, Dieu permet que l’on entende encore au fond de cet abîme les cloches de la ville engloutie, et que l’orage y vive familièrement. Auprès est une île au milieu de laquelle s’élève une pierre en forme d’obélisque. Cette pierre ferme l’entrée du gouffre qui a vomi les eaux du lac, et ce gouffre est la prison d’un géant formidable qui pousse d’horribles rugissements. C’est une légende.

À quatre lieues de cet endroit, vers l’est, on trouve une grande pierre qu’on appelle la vieille de Saint-Martin ; car il est non de savoir que cette pierre, qui pour bonne raison garde figure humaine, fut jadis une femme véritable, laquelle, s’étant retournée malgré la défense en sortant de la ville d’Herbadilla, fut transformée en statue[1]. Voy. Is.

Herbe de coq. Les habitants de Panama vantent beaucoup une herbe qu’ils appellent herbe de coq, et dont ils prétendent que l’application est capable de guérir sur-le-champ un poulet à qui l’on aurait coupé la tête, en respectant une seule vertèbre du cou. Des voyageurs sollicitèrent en vain ceux qui faisaient ce récit de leur montrer l’herbe ; ils ne purent l’obtenir, quoiqu’on leur assurât qu’elle était commune : d’où l’on doit conclure que ce n’est qu’un conte populaire[2].

Herbe d’or. Voy. Baaras.

Herbe maudite. Les paysans normands croient qu’il existe une fleur qu’on appelle l’herbe maudite : celui qui marche dessus ne cesse de tourner dans un même cercle, et il s’imagine qu’il continue son chemin, sans avancer d’un pas au delà du lieu où l’herbe magique l’a enchaîné.

Herbe qui égare. Il y a, dit-on aussi, dans le Périgord, une certaine herbe qu’on ne peut fouler sans s’égarer ensuite de manière à ne plus retrouver son chemin. Cette herbe, qui n’est pas connue, se trouvait abondamment aux environs du château de Lusignan, bâti par Mél usine ; ceux qui marchaient dessus erraient dans de longs circuits, s’efforçaient en vain de s’éloigner, et se retrouvaient dans l’enceinte redoutée jusqu’à ce qu’un guide préservé de l’enchantement les remît dans la bonne voie.

Herbourt, famille de la grande Pologne dont on a cru que les membres sont changés en oiseaux lorsqu’ils meurent.

Hérésies. Celui qui étudiera un peu attentivevement l’origine des diverses hérésies reconnaîtra que tous les rebelles qui les ont fondées étaient évidemment possédés, d’une manière plus ou moins patente, par quelqu’un de ces anges insurgés qui sont devenus les démons. Ajoutons qu’aucun de ces pervers n’a quitté ce monde par une mort douce.

Hérenberg (Jean — Christophe), auteur de Pensées philosophiques et chrétiennes sur les vampires, 1733.

Hermaphrodites. Longtemps avant Antoinette Bourignon, qui soutint cette singulière thèse au dix-septième siècle, il s’était élevé, sous le pontificat d’Innocent III, une secte de novateurs qui enseignait qu’Adam était à sa naissance homme et femme tout à la fois. Pline assure qu’il existait en Afrique, au delà du désert de Zara, un peuple d’androgynes. — Les lois romaines mettaient les hermaphrodites au nombre des monstres, et les condamnaient à mort. Tite-Live et Eutrope rapportent qu’il naquit auprès de Rome, sous le consulat de Claudius Néron, un enfant pourvu des deux sexes ; que le sénat, effrayé de ce prodige, décréta qu’il fallait le noyer. On enferma l’enfant dans un coffre ; on l’embarqua sur un bâtiment et on le jeta en pleine mer. Leloyer parle longuement d’une femme de Macédoine, nommée Héraïde, qui se maria comme femme, et devint homme ensuite dans une absence de son mari. C’était, dans les vieilles opinions, un hermaphrodite. Mais on ne voit plus d’hermaphrodites aujourd’hui. Les hermaphrodites, dans les contes plus anciens, avaient les deux sexes, deux têtes quatre bras et quatre pieds. Les dieux, dit Platon, avaient d’abord formé l’homme avec deux corps et les deux sexes. Ces hommes doubles étaient d’une force si extraordinaire qu’ils résolurent de faire la guerre aux dieux. Jupiter irrité les partagea pour les affaiblir ; et Apollon seconda le père des dieux dans l’exécution de ses volontés. Voy. Polycrite.

Hermeline, démon familier qui s’appelait aussi Hermione et Hermelinde, et qui fréquenta quarante ans Benedetto Berna, dont François Pic de la Mirandole rapporte lui-même l’histoire. « Cet homme, dit-il, buvait, mangeait, parlait avec son démon, qui l’accompagnait partout sans qu’on le vît ; de sorte que le vulgaire, ne pouvant comprendre le mystère de ces choses, se persuadait qu’il était fou. » Le vulgaire n’avait peut-être pas tort.

Hermès. On vous dira qu’il a laissé beaucoup de livres merveilleux, qu’il a écrit sur les démons et sur l’astrologie. C’est lui qui a décidé que, comme il y a sept trous à la tête, il y a aussi sept planètes qui président à ces trous, savoir : Saturne

  1. M. de Marchangy, Tristan le voyageur, t. 1, p. 115.
  2. La Harpe, Histoire abrégée des voyages.