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doctrine, les âmes, au sortir de ce monde, allaient habiter successivement toutes les planètes avant de revenir sur la terre.

Magie et Magiciens. La magie est l’art de produire dans la nature des choses au-dessus du pouvoir des hommes, par le secours des démons, ou en employant certaines cérémonies que la religion interdit. Celui qui exerce cet art est appelé magicien. On distingue la magie noire, la magie naturelle, la cœlestialis, qui est l’astrologie judiciaire, et la cœremonialis. Cette dernière consiste dans l’invocation des démons, en conséquence d’un pacte formel ou tacite fait avec les puis » sances infernales. Ses diverses branches sont la cabale, l’enchantement, le sortilège, l’évocation des morts et des esprits malfaisants, la découverte des trésors cachés et des plus grands secrets, la divination, le don de prophétie, celui de guérir par des termes magiques et par des pratiques mystérieuses les maladies les plus opiniâtres, de préserver de tous maux, de tous dangers, au moyen d’amulettes, de talismans ; la fréquentation du sabbat, etc.[1]

La magie naturelle, selon les démonographes, est l’art de connaître l’avenir et de produire des effets merveilleux par des moyens naturels, mais au-dessus de la portée du commun des hommes. La magie artificielle est l’art de fasciner les yeux et d’étonner les spectateurs, ou par des automates, ou par des escamotages, ou par des tours de physique. La magie blanche est l’art de faire des opérations surprenantes par l’évocation des bons anges, ou simplement par adresse et sans aucune évocation. Dans le premier cas, on prétend que Salomon en est l’inventeur ; dans le second, la magie blanche est la même chose que la magie naturelle, confondue avec la magie artificielle. La magie noire ou diabolique, enseignée par le diable, et pratiquée sous son influence, est l’art de commercer avec les démons, en conséquence d’un pacte fait avec eux, et de se servir de leur ministère pour opérer des effets au-dessus de la nature. C’est de cette magie que sont accusés ceux qu’on appelle proprement magiciens. Cham en a été, dit-on, l’inventeur ou plutôt le conservateur ; car Dieu n’envoya le déluge, disent les démonomanes, que pour nettoyer la terre des magiciens et des sorciers qui la souillaient. Cham enseigna la magie et la sorcellerie à son fils Misraïm, qui, pour les grandes merveilles qu’il faisait, fut appelé Zoroastre. On a dit qu’il avait composé cent mille vers sur ce sujet, et qu’il fut emporté par le diable en présence de ses disciples.

En fait, la magie existe ; et l’Église n’a pu se tromper en la considérant comme une apostasie et un enrôlement dans les phalanges de Satan. Il n’est pas nécessaire d’établir ici la vérité des faits rapportés dans l’Écriture sainte sur la magie et les magiciens. Ils ne sont contestés que par la mauvaise foi des incrédules qui ont leur parti pris de nier. Mais tous les peuples ont reconnu l’existence de la magie ; et les plus forts des esprits forts ne la nieront pas, s’ils ont vu quelques-unes des merveilles du magnétisme. Nous ne parlons ici que des faits et non de la manière de les interpréter. Disons toutefois qu’on a attribué à cet art noir bien des accidents qui n’en ont pas été les produits. Il est constant que les écrivains des siècles passés ont entouré les histoires de faits magiques d’une crédulité trop étendue. La magie, disent-ils, donne à ceux qui la possèdent une puissance à laquelle rien ne peut résister : d’un coup de baguette, d’un mot, d’un signe, ils bouleversent les éléments, changent l’ordre immuable de la nature, livrent le monde aux puissances infernales, déchaînent les tempêtes, les vents et les orages ; en un mot, font le froid et le chaud. Les magiciens et sorciers, dit Vecker, sont portés par l’air d’un très-léger mouvement, vont où ils veulent, et cheminent sur les eaux, comme Oddon le pirate, lequel voltigeait çà et là en haute mer, sans esquif ni navire

On conte qu’un magicien coupa la tête d’un valet en présence de plusieurs personnes qu’il voulait divertir ; toutefois il coupait cette tête avec le dessein de la remettre ; mais pendant qu’il se disposait à la rétablir, il vit un autre magicien qui s’obstinait à le contre-carrer, quelque prière qu’il lui adressât ; il fit naître tout d’un coup un lis sur une table, et en ayant abattu la tête, son ennemi tomba par terre sans tête et sans vie. Puis il rétablit celle du valet et s’enfuit. Ce sont là des contes. Or, ces contes sur l’histoire la chargent sans l’anéantir.

Un autre magicien, en 1284, délivra la ville d’Hameln des rats innombrables qui infestaient ; il opéra cette merveille au moyen d’une flûte en-

  1. « Je ne sais si je dois vous dire que l’on compte d’ordinaire six espèces principales de magie : la nécromancie, la pyromancie, l’aéromancie, l’hydromancie, la géomancie et la chiromancie. Mais peut-être ne serez-vous pas fâché que j’observe que ces diverses espèces de divination étaient bien sacrées en substance, quand les lois les autorisaient comme autant de mystères, mais qu’elles étaient abominables lorsque d’autres que le collège des prêtres s’en mêlaient ; parce que l’on s’imaginait qu’il n’y avait que les prêtres qui eussent le droit, en vertu des lois, de consulter les bons démons ; et que, par conséquent, les magiciens, qui n’étaient que des personnes particulières sans vocation, n’agissaient que par illusion, ou tout au plus par le commerce des mauvais démons, qui ne demandaient pas mieux que de donner par leur ministère des marques de leur malignité.

     » C’est pourquoi les païens, qui avaient en horreur le seul nom de magie, donnèrent à leurs mystères celui de divination, et afin d’y mettre une différence plus réelle, ils en changèrent, autant qu’ils le purent, les divers sujets, et en augmentèrent les espèces. »

    (Binet, Traité historique des dieux et des démons du paganisme, lettre troisième.)