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ulcérées. Cette misérable femme est en si grande horreur à tout le monde, à cause de cet esprit, qu’elle ne trouve personne qui la veuille loger ni qui consente à fréquenter avec elle[1]. » Nous n’avons pas besoin d’ajouter que c’était là un tour de ventriloquie.

Marguerite de Navarre. Cette reine, malade, vit la nuit une grande lumière, et, apprenant que c’était une comète, elle regarda cette apparition comme l’annonce de sa mort. Quoiqu’elle ne se sentît pas trop mal, elle s’y prépara, frappée, et mourut en effet trois jours après.

Mariacho de Molères, insigne sorcière qui fut accusée par une jeune fille nommée Marie Aspiculette, âgée de dix-neuf ans, de l’avoir menée au sabbat, l’emportant sur son cou après s’être frottée d’une eau épaisse et verdâtre, dont elle se graissait les mains, les hanches et les genoux[2].

Mariage. On a plusieurs moyens de connaître quand et avec qui on se mariera. M. Chopin conte qu’en Russie les jeunes filles curieuses de connaître si elles seront mariées dans l’année forment un cercle dans lequel chacune répand devant soi une pincée de grains d’avoine. Cela fait, une femme placée au centre, et tenant un coq enveloppé, tourne plusieurs fois sur elle-même en fermant les yeux et lâche l’animal, qu’on a eu soin d’affamer ; il ne manque pas d’aller picoter le grain. Celle dont l’avoine a été la première entamée peut compter sur un prochain mariage. Plus le coq y met d’avidité, et plus promptement l’union pronostiquée doit se conclure.

S’il est naturel à une jeune fille russe de désirer le mariage, il ne l’est pas moins qu’elle souhaite de connaître celui qui sera son époux. Le moyen suivant satisfait sa curiosité. Elle se rend à minuit dans une chambre écartée où sont préparés deux miroirs placés parallèlement vis-à-vis l’un de l’autre et éclairés de deux flambeaux. Elle s’assied et prononce par trois fois[3] ces mots : Kto môy soujnoy kto moy riajnoy, tôt pobajetsia mnie. « Que celui qui sera mon époux m’apparaisse ! » Après quoi elle porte ses regards sur l’un des miroirs, et la réflexion lui présente une longue suite de glaces ; sa vue doit se fixer sur un espace éloigné et plus obscur, où l’on prétend que se fait l’apparition. On conçoit que plus le lieu observé paraît éloigné, plus il est facile à l’imagination déjà préoccupée de se faire une illusion. On se sert du même procédé pour savoir ce que font des personnes absentes.

Ceux qui désirent apprendre ( toujours chez les Russes) si une jeune fille se mariera bientôt font un treillage en forme de pont avec de petites branches entrelacées, et le mettent sous son chevet sans qu’elle s’en aperçoive. Le lendemain on demande ce qu’elle a vu en songe ; si elle raconte avoir passé un pont avec un jeune homme, c’est un signe infaillible qu’elle lui sera unie la même année. Cette divination s’appelle en russe most mastite[4].

On lit dans les Admirables secrets du Petit Albert cette manière de connaître avec qui on s’unira. Il faut avoir du corail pulvérisé et de la poudre d’aimant, les délayer ensemble avec du sang de pigeon blanc ; on fera un petit peloton de pâte qu’on enveloppera dans un morceau de taffetas bleu ; on se le pendra au cou ; on mettra sous son chevet une branche de myrte vert, et on verra en songe la personne qu’on doit épouser. Les filles ou veuves obtiennent le même résultat en liant une branche de peuplier avec leurs chausses sous leur chevet, et se frottant les tempes, avant de dormir, d’un peu de sang de huppe.

On croit aussi dans plusieurs provinces, et on le croit sur nombre d’exemples, que les époux qui mangent ou boivent avant la célébration de leur mariage ont des enfants muets.

Les coutumes superstitieuses qui en Écosse précèdent et suivent les mariages sont innombrables ; le peuple croit que les évocations, accompagnées de certaines paroles magiques, ont la puissance de faire apparaître l’ombre des futurs époux, et que des noisettes jetées au feu indiquent, par les divers pétillements de la flamme, si leur union sera heureuse. Un savant regrette de n’avoir pu découvrir l’origine certaine et la signification des présents échangés entre les fiancés. L’anneau est le symbole de l’esclavage qui pèse sur la femme, et on a cru qu’il était placé au quatrième doigt de la main gauche, parce qu’une veine conduit de ce doigt au cœur. Cette opinion était répandue chez les Égyptiens et chez les Grecs. Un anneau de mariage avec un diamant présageait une union malheureuse, parce que l’interruption du cercle annonçait que l’attachement des époux ne serait pas de durée, on a donc adopté un cercle d’or.

On entend dire encore de nos jours que quand deux mariages se font à la même messe, l’un des deux n’est pas heureux.

Mariage du diable. Gôrres, dans le chapitre xiv de la sixième partie de sa Mystique, rapporte une allégorie que voici : « L’idée vint un jour au diable de prendre femme, afin de propager sa race. Il s’adressa donc à l’Impiété, et après l’avoir épousée il en eut sept filles. Il les maria bientôt, l’Orgueil aux puissants de

  1. Recueil de dissertations de Lenglet-Dufresnov, t. I, p. 156.
  2. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., tiv. II, p. 416.
  3. Les Russes supposent au nombre trois une vertu particulière. Bog tionbit troitzon est un dicton populaire qui signifie : Dieu aime le nombre trois.
  4. M. Chopin, De l’état actuel de la Russie, ou coup d’œil sur Saint-Pétersbourg, p. 82.