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MOR
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dans les romans de chevalerie par ses enchantements et par les tours qu’elle joua à Genièvre, sa belle-sœur. C’est dans la Bretagne une grande fée, l’une des prophétesses de l’île de Sein, et la plus puissante des neuf sœurs druidesses. Les Bretons l’appellent la Chanteuse des mers, et il y a dans ce pays des pêcheurs qui prétendent descendre d’elle.

Pour plusieurs, Morgane est un mirage ; Morgiane, chez les Orientaux, est une péri qu’ils appellent aussi Mergiann.

Morin (Jean-Baptiste), médecin de mademoiselle de Guise, né au Mans en 1615, et mort en 1705. Il pronostiquait comme Luc Gauric. On dit qu’il annonça le sort de Gustave-Adolphe et du jeune Cinq-Mars, et qu’il fixa, à quelques légères différences près, le jour et l’heure où moururent le cardinal de Richelieu et le connétable de Lesdiguières. On lui attribue à tort la réponse adroite de cet astrologue qui, interrogé par Louis XI s’il connaissait lui-même l’époque de sa propre mort, répondit : — Oui, prince, trois jours avant la vôtre.

Sous le règne de Louis XIII, on était très-infatué de l’astrologie judiciaire. Morin ayant prédit que tel jour le roi était menacé de quelque malheur, on respecta assez sa prédiction pour recommander au roi de ne pas sortir. Il garda effectivement l’appartement toute la matinée ; mais s’ennuyant l’après-midi, il voulut prendre l’air et tomba. — Qu’on ne parle pas de cela à Morin, dit le prince ; cet accident le rendrait trop glorieux.

Morin (Simon), visionnaire fanatique du dixseptième siècle, né vers 1623, qui voulut rétablir la secte des illuminés, et qui annonçait que Notre-Seigneur Jésus-Christ s’était incarné en lui. Il fit quelques prosélytes ; mais à la suite de plusieurs détentions à la Bastille, il fut condamné à être brûlé, après avoir fait amende honorable comme accusé de conspiration contre le roi ; il monta sur le bûcher le 14 mars 1663. C’était un agitateur fanatique qui eût bien voulu une petite révolution.

Mort. « La mort, si poétique, parce qu’elle touche aux choses immortelles, si mystérieuse à cause de son silence, devait avoir mille manières de s’énoncer pour le peuple. Tantôt un trépas se faisait prévoir par le tintement d’une cloche qui sonnait d’elle-même, tantôt l’homme qui devait mourir entendait frapper trois coups sur le plancher de sa chambre. Une religieuse de Saint-Benoît, près de quitter la terre, trouvait une couronne d’épines blanches sur le seuil de sa cellule. Une mère perdait-elle son fils dans un pays lointain, elle en était instruite à l’instant par ses songes. Ceux qui nient les pressentiments ne connaîtront jamais les routes secrètes par où deux cœurs qui s’aiment communiquent d’un bout du monde à l’autre. Souvent le mort chéri, sortant du tombeau, se présentait à son ami, lui recommandait de dire des prières pour le racheter des flammes et le conduire à la félicité des élus[1]. »

De tous les spectres de ce monde, la mort est le plus effrayant. Dans une année d’indigence, un paysan se trouve au milieu de quatre petits enfants qui portent leurs mains à leur bouche, qui demandent du pain, et à qui il n’a rien à donner… La démence s’empare de lui ; il saisit un couteau ; il égorge les trois aînés ; le plus jeune, qu’il allait frapper aussi, se jette à ses pieds et lui crie : — Ne me tuez pas, je n’ai plus faim.

Dans les armées des Perses, quand un simple soldat était malade à l’extrémité, on le portait en quelque forêt prochaine, avec un morceau de pain, un peu d’eau et un bâton pour se défendre contre les bêtes sauvages, tant qu’il en aurait la force. Ces malheureux étaient ordinairement dévorés. S’il en échappait quelqu’un qui revînt chez lui, tout le monde le fuyait comme si c’eût été un démon ou un fantôme ; on ne lui permettait de communiquer avec personne qu’il n’eût été purifié. On était persuadé qu’il devait avoir eu de grandes liaisons avec les démons, puisque les bêtes ne l’avaient pas mangé, et qu’il avait recouvré ses forces sans aucun secours.

Les anciens attachaient tant d’importance aux cérémonies funèbres, qu’ils inventèrent les dieux mânes pour veiller aux sépultures. On trouve dans la plupart de leurs écrits des traits frappants qui nous prouvent combien était sacré parmi eux ce dernier devoir que l’homme puisse rendre à l’homme. Pausanias conte que, certains peuples de l’Arcadie ayant tué inhumainement quelques jeunes garçons qui ne leur faisaient aucun mal, sans leur donner d’autre sépulture que les pierres avec lesquelles ils les avaient assommés, et leurs femmes, quelque temps après, se trouvant atteintes d’une maladie qui les faisait toutes avorter, on consulta les oracles, qui commandèrent d’enterrer au plus vite les enfants si cruellement privés de funérailles.

Les Égyptiens rendaient de grands honneurs aux morts. Un de leurs rois, se voyant privé d’héritiers par la mort de sa fille unique, n’épargna rien pour lui rendre les derniers devoirs et tâcha d’immortaliser son nom par la plus riche sépulture qu’il put imaginer. Au lieu d’un mausolée, il lui fit bâtir un palais ; et on ensevelit le corps de la jeune princesse dans un bois incorruptible, qui représentait une génisse Couverte de lames d’or et revêtue de pourpre. Cette figure était à genoux, portant entre ses cornes un soleil d’or massif, au milieu d’une salle magnifique et entourée de cassolettes où brûlaient continuellement des parfums odoriférants.

  1. M. de Chateaubriand, Génie du christianisme.