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PHÉ
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rit d’aromates et vient tous les cinq cents ans en Égypte, chargé du cadavre de son père enveloppé de myrrhe, qu’il enterre dans le temple du Soleil. Solin dit que le phénix naît en Arabie ; que sa gorge est entourée d’aigrettes, son cou brillant comme l’or, son corps pourpre, sa queue mêlée d’azur et de rose ; qu’il vit cinq cent quarante ans. Certains historiens lui ont donné jusqu’à douze mille neuf cent cinquante-quatre ans de vie.

Saint Clément le Romain rapporte qu’on croit que le phénix naît en Arabie, qu’il est unique dans son espèce, qu’il vit cinq ans ; que, lorsqu’il est près de mourir, il se fait, avec de l’encens, de la myrrhe et d’autres aromates, un cercueil où il entre à temps marqué, et il y meurt ; que sa chair corrompue produit un ver qui se nourrit de l’humeur de l’animal mort et se revêt de plumes ; qu’ensuite, devenu plus fort, il prend le cercueil de son père et le porte en Égypte, sur l’autel du Soleil, à Héliopolis.

Outre que tous ceux qui parlent de cet oiseau mystérieux ne l’ont point vu et n’en parlent que par ouï-dire, qui peut être sûr qu’il a vécu cinq cents ans ? qui peut assurer qu’il soit seul de son espèce ?

Le P. Martini rapporte, dans son Histoire de la Chine, qu’au commencement du règne de l’empereur Xao-Hao IV, on vit paraître l’oiseau du soleil, dont les Chinois regardent l’arrivée comme un heureux présage pour le royaume. Sa forme, dit-il, le ferait prendre pour un aigle, sans la beauté et la variété de son plumage. Il ajoute que sa rareté lui fait croire que cet oiseau est le même que le phénix[1].

Phénomènes. Une négresse de Carthagène, dans le nouveau royaume de Grenade, mit au monde un enfant tel qu’on n’en a jamais vu ; c’était une fille qui naquit en 1738 et vécut environ six mois. Elle était tachetée de blanc et de noir, depuis le sommet de la tête jusqu’aux pieds, avec tant de symétrie et de variété qu’il semblait que ce fût l’ouvrage du compas et du pinceau. Sa tête était couverte de cheveux noirs bouclés, d’entre lesquels s’élevait une pyramide de poil crépu, qui du sommet de la tête descendait, en élargissant ses deux lignes latérales, jusqu’au milieu des sourcils, avec tant de régularité dans la division des couleurs que les deux moitiés des sourcils qui servaient de base aux deux angles de la pyramide étaient d’un poil blanc et bouclé, au lieu que les deux autres moitiés, du côté des oreilles, étaient d’un poil noir et crépu. Pour relever encore l’espace blanc que formait la pyramide dans le milieu du front, la nature y avait placé une tache noire qui dominait le reste du visage. Une autre pyramide blanche, s’appuyant sur la partie inférieure du cou, s’élevait avec proportion, et, partageant le menton, venait aboutir au-dessus de la lèvre inférieure. Depuis l’extrémité des doigts jusqu’au-dessus du poignet, et depuis les pieds jusqu’à la moitié des jambes, la jeune fille paraissait avoir des bottines et des gants naturels, d’un noir clair, tirant sur le cendré, mais parsemées d’un grand nombre de mouches aussi noires que du jais. De l’extrémité inférieure du cou descendait une espèce de pèlerine noire sur la poitrine et les épaules ; elle se terminait en trois pointes, dont deux étaient placées sur les gros muscles des bras ; la troisième, qui était la plus large, sur la poitrine. Les épaules étaient d’un noir clair, tacheté comme celui des pieds et des mains. Les autres parties du corps étaient tachetées de blanc et de noir dans une agréable variété ; deux taches noires couvraient les deux genoux. Toutes les personnes du pays voulurent voir ce phénomène, comblèrent cette petite fille de présents ; et on offrit de l’acheter à grand prix.

L’auteur à qui nous empruntons cette description assure que la mère avait une petite chienne noire et blanche qui ne la quittait jamais, et qu’ayant examiné en détail les taches de sa fille et de la chienne, il y trouva une ressemblance totale, non-seulement par la forme des couleurs, mais encore par rapport aux lieux où les nuances étaient placées. Il en conclut que la vue continuelle de cet animal avait été plus que suffisante pour tracer dans l’imagination de la mère cette variété de teintes et l’imprimer à la fille qu’elle portait dans son sein.

On dit que le peuple anglais est un peuple de philosophes ; ce qui n’empêcha pas, en 1726, une femme de Londres d’accoucher, disait-elle, d’un lapereau chaque jour ; le chirurgien qui l’accouchait, nommé Saint-André, assurait que rien n’était plus positif, et le peuple philosophe le croyait. — Marguerite Daniel, femme de René Rondeau, du bourg du Plessé, dépendant du marquisat de Blin, devint grosse en 1685, vers la mi-octobre. Elle sentit remuer son enfant le jour de la Chandeleur et entendit le vendredi saint suivant trois cris sortir de son ventre. Depuis, son enfant continua de faire les mêmes cris trois ou quatre fois le jour, à chaque fois quatre, cinq cris, et même jusqu’à huit et neuf fort distincts, semblables à ceux d’un enfant nouvellement né ; mais quelquefois avec de tels efforts, qu’on voyait l’estomac de cette femme s’enfler comme si elle eût dû étouffer…

En octobre 1842, à Bruxelles, une femme accoucha, dans l’hospice de la Maternité, d’une petite fille qui avait une queue de cheval. Son père était un cocher. L’opération qui l’a délivrée,

  1. Des critiques pensent que le phénix était le symbole de la chasteté et de la tempérance chez les païens ; ils comptaient quatre apparitions de cet oiseau merveilleux, la première sous le roi Sésostris, la seconde sous Âmasis, la troisième sous le troisième des Ptolémées, la quatrième sous Tibère.