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qu’il lui semblait aller à la noce, « non pas tant, par la liberté et licence qu’on y a, mais parce que le diable tenait tellement liés leur cœur et leurs volontés qu’à peine y laissait-il entrer nul autre désir ». En outre les sorcières y entendaient une musique harmonieuse, et le diable leur persuadait que l’enfer n’est qu’une niaiserie, que le feu qui brûle continuellement n’est qu’artificiel. Elle dit encore qu’elle ne croyait pas faire mal d’aller au sabbat, et que même elle avait bien du plaisir à la célébration de la messe qui s’y disait, où le diable se faisait passer pour le vrai Dieu. Cependant elle voyait à l’élévation l’hostie noire[1]. Il ne paraît pas que Marie de la Raide ait été ! brûlée ; mais on ignore ce que les tribunaux en firent.

Raleigh (Walter), courtisan célèbre de la reine ; Élisabeth. Il se vante d’avoir vu, dans l’Amérique du Sud, des sauvages trois fois aussi grands que des hommes ordinaires, des cyclopes qui avaient les yeux aux épaules, la bouche sur la j poitrine et la chevelure au milieu du dos.

Rambouillet. Le marquis de Rambouillet, partant avec Louis XIV pour la guerre de Flandre, I et le marquis de Précy retenu au lit par la fièvre, s’étaient promis que celui des deux qui mourrait le premier viendrait donner à l’autre des nouvelles de l’autre monde. Six semaines après, à six heures du matin, Rambouillet vint éveiller son ami, lui annoncer qu’il avait été tué la veille, lui montrer sa blessure, lui déclarer que lui-même Précy serait tué à la première bataille à laquelle il prendrait part, et disparut. Précy aussitôt réveilla sa maison, raconta ce qui venait d’arriver et fut pris pour un visionnaire dont la fièvre avait troublé les sens. Huit jours après la poste de Flandre apporta la nouvelle de la mort de Rambouillet, avec les détails donnés par Précy. Cependant on est si difficile à croire l’extraordinaire qu’on persuada à Précy que son aventure n’était qu’un pressentiment produit par la sympathie. Sans doute qu’il en vint à le croire lui-même, puisqu’il alla peu après au combat du faubourg Saint-Antoine, et il y fut tué : ce qui dut le faire réfléchir.

Ranfaing (Marie de). M. le chevalier Gougenot des Mousseaux raconte l’histoire de cette dame :

« Une veuve illustre a refusé la main d’un médecin, dont l’amour n’excita en elle qu’un insurmontable dégoût ; et ce misérable, qui croyait à la magie, parvient à lui faire boire un philtre préparé par son art. Cette femme tombe aussitôt dans un lamentable état. Les médicaments que lui administrent les plus habiles médecins, réunis en consultation, ont perdu toute efficacité. La science est à bout de voies et déclare enfin que les accidents éprouvés par la patiente ne peuvent avoir d’autre cause qu’une possession diabolique. »

Cette dame était une femme de grande vertu ; elle avait fondé un refuge pour les malheureux que le monde abandonne à cause de leurs fautes. Les démons, à qui elle ravissait leur proie, durent se réjouir de la posséder. On l’amena à Nancy, où les évêques de Nancy et de Toul la firent exorciser par les plus saints prêtres et les plus habiles théologiens. On la questionnait, ou plutôt le démon qui était en elle, en latin, en grec et en hébreu ; et quoiqu’elle sût à peine lire le latin et qu’elle ne comprît d’autre idiome que sa langue, elle répondait avec une exactitude extrême. Le démon, qui parlait par sa bouche, relevait même les solécismes et les autres fautes qui échappaient à ses interrogateurs. L’histoire de ces exorcismes est assez longue. Ils se faisaient devant le duc de Lorraine Henri II et devant une assemblée immense, que les grandes douleurs de cette pauvre dame intéressaient vivement. Elle fut délivrée enfin, en même temps que le coupable qui avait causé ces horreurs avoua son crime et fut condamné à mort par la cour de justice de Nancy. (La Magie au dix-neuvième siècle.)

Rani-Razal, femme de Bava-Coumba, chez les Indiens du Satpoura. Les jeunes mariés lui rendent un culte et font des offrandes à son idole sous un arbre qui lui est consacré.

Rannou. C’est une légende bretonne qui a été publiée, il y a vingt ans, dans une feuille catholique et signée : Un Glaneur.

« La mère de Rannou était une pauvre femme qui, en se promenant un jour au bord de la mer pour chercher des coquillages, aperçut une sirène que les eaux, en se retirant, avaient laissée à sec. La pauvre femme, tout effrayée, allait fuir lorsque le monstre la rappela de sa voix la plus douce. « Venez donc à mon aide, disait la sirène ; ne laissez pas une pauvre mère mourir ici sans secours. Je suis une créature inoffensive, qui ne fais jamais de mal à personne ; bien plus, souvent par mes chants j’avertis les matelots de la présence des écueils. »

La mère de Rannou avait l’âme bonne ; elle fut tellement touchée par les prières de la sirène qu’elle l’aida à regagner la mer. Alors celle-ci lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? demande et tu es sûre d’obtenir. — Je ne suis qu’une pauvre femme ; Dieu m’a fait la grâce d’être contente de mon sort. Je ne veux rien pour moi. Mais j’ai un fils encore tout enfant ; je voudrais bien qu’il eût de l’esprit et de la vaillance. »

La sirène plongea dans la mer et revint un instant après avec une coquille pleine d’un breuvage semblable à du lait. « Voici, dit-elle, un philtre que tu feras prendre à ton enfant. Mais fais attention à ce qu’il le boive tout entier et sans qu’une seule goutte soit perdue. Adieu, et fais ponctuellement ce que je te* recommande. »

La pauvre femme s’en revint avec le présent

  1. M. J. Garinet, Histoire de la magie en France.