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M. de Turenne et moi, avec des éclats de rire que l’on peut s’imaginer. »

Rêve. Au bon temps de la loterie royale, les bonnes femmes croyaient que, quand on dormait le petit doigt de la main gauche dans la main droite, on était assuré de voir en rêve une multitude d’ambes, de ternes et de quaternes.

Un homme rêvait qu’il mangeait la lune. Ce rêve le frappe ; il se lève encore à moitié endormi, il court à sa fenêtre ; regardant au ciel, il ne voit plus que la moitié de cet astre… ; il s’écrie : — Mon Dieu ! vous avez bien fait de me réveiller ; car, avec l’appétit que j’avais, la pauvre lune, je l’aurais mangée tout entière. Voy. Songes.

Réveille-matin. Les Flamands appellent cette plante le lait du diable (Duivelsmelk).

Révélations. Un citoyen d’Alexandrie vit, sur le minuit, des statues d’airain se remuer et crier à haute voix que l’on massacrait à Constantinople l’empereur Maurice et ses enfants ; ce qui se trouva vrai. Mais la révélation ne fut publiée qu’après que l’événement fut connu. L’archevêque Angelo-Catto (Philippe de Comines l’atteste) connut la mort de Charles le Téméraire, qu’il annonça au roi Louis XI à la même heure qu’elle était arrivée. — Les prodiges faux sont toujours des singeries de vrais miracles. Pareillement une foule de révélations supposées ont trouvé le moyen de se faire admettre, parce qu’il y a eu des révélations vraies.

Nous ne parlons pas ici de la Révélation qui est un des fondements de notre foi, et sans laquelle rien ne peut s’expliquer dans l’homme.

Revenants. On débite, comme une chose assurée, qu’un revenant se trouve toujours froid quand on le touche. Cardan et Alessandro-Alessandri sont des témoins qui l’affirment. Cajetan en donne la raison, qu’il a apprise de la bouche d’un esprit, lequel, interrogé à ce sujet par une sorcière, lui répondit qu’il fallait que la chose fût ainsi. La réponse est satisfaisante. Elle nous apprend au moins que le diable se sauve quelquefois par le pont aux ânes.

Dom Calmet a rapporté l’histoire d’un revenant du Pérou qui se manifestait en esprit frappeur. Plusieurs autres en ont fait autant ; et de nos jours on en a de fréquents exemples.

Walter-Scott, dans Péveril du Pic, raconte qu’un brasseur de Chesterfield, mort du spleen, dans un domaine voisin qui lui avait appartenu, revenait à la connaissance de tous et se promenait dans une allée solitaire, accompagné du gros dogue qui, lorsqu’il était vivant, était son favori.

Il y a des revenants, quoi qu’en disent ceux qui doutent de tout, des revenants réels. Mais les revenants supposés, ou par la supercherie, ou par un mal entendu, ou par le hasard, ou par la peur, sont mille fois plus nombreux que les revenants véritables.

Un Italien, retournant à Rome après avoir fait enterrer son ami de voyage, s’arrêta le soir dans une hôtellerie où il coucha. Étant seul et bien éveillé, il lui sembla que son ami mort, tout pâle et décharné, lui apparaissait et s’approchait de lui. Il leva la tête pour le regarder et lui demanda en tremblant qui il était. Le mort ne répond rien, se dépouille, se met au lit et se serre contre le vivant, comme pour se réchauffer. L’autre, ne sachant de quel côté se tourner, s’agite et repousse le défunt. Celui-ci, se voyant ainsi rebuté, regarde de travers son ancien compagnon, se lève du lit, se rhabille, chausse ses souliers et sort de la chambre, sans plus apparaître. Le vivant a rapporté qu’ayant touché dans le lit un des pieds du mort, il l’avait trouvé plus froid que la glace. — Cette anecdote peut n’être qu’un conte. En voici une autre qui est plus claire :

Un aubergiste d’Italie qui venait de perdre sa mère, étant monté le soir dans la chambre de la défunte, en sortit hors d’haleine, en criant à tous ceux qui logeaient chez lui que sa mère était revenue et couchée dans son lit ; qu’il l’avait vue, mais qu’il n’avait pas eu le courage de lui parler. Un ecclésiastique qui se trouvait là voulut y monter ; toute la maison se mit de la partie. On entra dans la chambre ; on tira les rideaux du lit, et on aperçut la figure d’une vieille femme, noire et ridée, coiffée d’un bonnet de nuit et qui faisait des grimaces ridicules. On demanda au maître de la maison si c’était bien là sa mère ? — Oui, s’écria-t-il, oui, c’est elle ; ah ! ma pauvre mère ! Les valets la reconnurent de même. Alors le prêtre lui jeta de l’eau bénite sur le visage. L’esprit, se sentant mouillé, sauta à la figure de l’abbé. Tout le monde prit la fuite en poussant des cris. Mais la coiffure tomba et on reconnut que la vieille femme n’était qu’un singe. Cet animal avait vu sa maîtresse se coiffer, il l’avait imitée.

L’auteur de Paris, Versailles et les provinces au dix-huitième siècle raconte une histoire de revenant assez originale. M. Bodry, fils d’un riche négociant de Lyon, fut envoyé, à l’âge de vingt-deux ans, à Paris, avec des lettres de recommandation de ses parents pour leur correspondant, dont il n’était pas personnellement connu. Muni d’une somme assez forte pour pouvoir vivre agréablement quelque temps dans la capitale, il s’associa pour ce voyage un de ses amis, extrêmement gai. Mais, en arrivant, M. Bodry fut attaqué d’une fièvre violente ; son ami, qui resta près de lui la première journée, ne voulait pas le quitter, et se refusait d’autant plus aux instances qu’il lui faisait pour l’engager à se dissiper, que, n’ayant fait ce voyage que par complaisance pour lui, il n’avait aucune connaissance à Paris. M. Bodry l’engagea à se présenter sous son nom chez le correspondant de sa famille, et à lui remettre ses lettres de recommandation, sauf à éclaircir comme