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confession générale, des jeûnes, des prières, des retraites, puis leur faisaient entendre, à genoux, la lecture du livre de l’Art notoire, et leur persuadaient qu’ils étaient devenus aussi savants que Salomon, les prophètes et les apôtres. Il s’en trouvait qui le croyaient.

Ce livre a été condamné par le pape Pie V. Mêlant les choses religieuses à ses illusions, l’auteur recommande entre autres soins de réciter tous les jours, pendant sept semaines, les sept psaumes de la pénitence, et de chanter tous les matins au lever du soleil le Veni Creator, en commençant un jour de nouvelle lune, pour se préparer ainsi à la connaissance de l’Art notoire[1]. Érasme, qui parle de ce livre dans un de ses colloques, dit qu’il n’y a rien compris ; qu’il n’y a trouvé que des figures de dragons, de lions, de léopards, des cercles, des triangles, des caractères hébreux, grecs, latins, et qu’on n’a jamais connu personne qui eût rien appris dans tout cela.

Des doctes prétendent que le véritable Ars notoria n’a jamais été écrit, et que l’esprit le révèle à chaque aspirant préparé. (Mais quel esprit ?) Il leur en fait la lecture pendant leur sommeil, s’ils ont sous l’oreiller le nom cabalistique de Salomon, écrit sur une lame d’or ou sur un parchemin vierge. Mais d’autres érudits soutiennent que l’Ars notoria existe écrit, et qu’on le doit à Salomon. Le croira qui pourra.

Art sacerdotal. C’est, selon quelques adeptes, le nom que les Égyptiens donnaient à l’alchimie. Cet art, dont le secret, recommandé sous peine de mort, était écrit en langue hiéroglyphique, n’était communiqué qu’aux prêtres, à la suite de longues épreuves.

Arts du serpent. C’est le nom qu’on donne souvent aux arts magiques.

Artémidore, Éphésien qui vécut du temps d’Antonin le Pieux. On lui attribue le traité des songes intitulé Oneïrocriticon, publié pour la première fois en grec à Venise, 1518, in-8o. On recherche la traduction latine de Rigaut[2], et quelques traductions françaises[3].

Artéphius, philosophe hermétique du douzième siècle, que les alchimistes disent avoir vécu plus de mille ans par les secrets de la pierre philosophale. François Pic rapporte le sentiment de quelques savants qui affirment qu’Artéphius est le même qu’Apollonius de Tyane, né au premier siècle sous ce nom, et mort au douzième sous celui d’Artéphius.

On lui attribue plusieurs livres extravagants ou curieux : 1° l’Art d’allonger sa vie (De vita Propaganda), qu’il dit dans sa préface avoir composé à l’âge de mille vingt-cinq ans ; 2° la Clef de la Sagesse suprême[4] ; 3° un livre sur les caractères des planètes, sur la signification du chant des oiseaux, sur les choses passées et futures, et sur la pierre philosophale[5]. Cardan, qui parle de ces ouvrages au seizième livre de la Variété des choses, croit qu’ils ont été composés par quelque plaisant qui voulait se jouer de la crédulité des partisans de l’alchimie.

Arthémia, fille de l’empereur Dioclétien. Elle fut possédée d’un démon qui résista aux exorcismes païens, et ne céda qu’à saint Cyriaque, diacre de l’Église romaine.

L’idée de rire et de plaisanter des possessions et des exorcismes de l’Église est venue quelquefois à des esprits égarés, qu’il eût été bon peut-être d’exorciser eux-mêmes.

Arthus ou Artus, roi des Bretons, célèbre dans les romans de la Table Ronde, et dont la vie est entourée de fables. On prétend qu’il n’est qu’assoupi à Avallon, et qu’il revient la nuit dans les forêts de la Bretagne chasser à grand bruit, avec des chiens, des chevaux et des piqueurs, qui ne sont que des démons et des spectres, au sentiment de Pierre Delancre[6]. Quand le grand veneur apparut à Henri IV dans la forêt de Fontainebleau, quelques-uns dirent que c’était la chasse du roi Arthus.

La tradition conserve, aux environs de Huelgoat, dans le Finistère, le souvenir curieux de l’énorme château d’Arthus. On montre des rochers de granit entassés comme étant les débris de ses vastes murailles. Il s’y trouve, dit-on, des trésors gardés par des démons, qui souvent traversent les airs sous la forme de feux follets en poussant des hurlements répétés par les échos du voisinage[7]. L’orfraie, la buse et le corbeau sont les hôtes sinistres qui fréquentent ces ruines merveilleuses, où de temps en temps apparaît l’âme d’Arthus endormi avec sa cour enchantée dans son vieux manoir d’Avalon. Voy. Merlin.

En Angleterre on a cru et dans plusieurs contrées de ce pays on croit encore que le roi

  1. Franc. Torreblanca, cap. xiv, Epist. de mag.
  2. Artemidori Ephesii Oneirocritica, seu de somniorum interpretatione, græc-lat., cum notis Nie. Rigaltii, in-4o, Paris, 1603.
  3. Artémidore, De l’explication des songes, avec le livre d’Augustin Nyphus, Des divinations, in-16. Rouen, 1600 ; édition augmentée, 1604. — Epitome des cinq livres d’Artémidore traitant des songes, traduit du grec par Charles Fontaine ; avec un recueil de Valère-Maxime sur le même sujet, traduit du latin, in-8o. Lyon, 1555.
  4. Clavis majoris sapientiæ, imprimé dans le Théâtre chimique. Francfort, 1614, in-8o, ou Strasbourg, 1699, in-12.
  5. De characteribus planetarum, cantu et motibus avium, rerum prœteritarum et futurarum, lapideque philosophico. Le traité d’Artéphius sur la pierre philosophale a été traduit en français par P. Arnauld, et imprimé avec ceux de Sinésius et de Flamel. Paris, 1612, 1659, 1682, in-4o. On attribue encore à Artéphius le Miroir des miroirs, Spéculum speculorum, et le Livre secret, Liber secretus.
  6. Tableau de l’inconstance des mauvais songes, liv. IV, disc. iii.
  7. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. I, p. 277.