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traordinaire Le second en est la conséquence ! dans l’imagination agitée du premier des deux voyageurs. Les détails du tombereau sont plus forts ; il peut seiaire qu’ils soient un effet des pressentiments ou d’une anecdote du temps, ou une rencontre du hasard. Mais il y a des choses qui sont plus inexplicables et qu’on ne peut pourtant contester.

Un célèbre médecin irlandais, le docteur Abercombie, raconte, dans ses Études de psychologie, deux songes de deux de ses malades qui peuvent appuyer le récit qu’on vient de lire. « Un ministre, venu d’un village voisin à Édimbourg, y passait la nuit dans une auberge ; là, pendant son sommeil, il songea que le feu prenait à sa maison et que ses enfants y couraient danger de mort. Aussitôt il se lève et se hâte de quitter la ville ; à peine hors des murs, il aperçoit sa maison en feu ; il y court et arrive assez à temps pour sauver un de ses fils en bas âge que, dans le désordre causé par l’incendie, on avait laissé au milieu des flammes. » — Voici le second fait : « Un bourgeois d’Édimhourg était affecté d’un anévrysme de l’artère crurale. Deux chirurgiens distingués qui le soignaient devaient faire l’opération dans quelques jours. La femme du patient songea que le mal avait disparu et que l’opération projetée devenait inutile. En effet, le malade, en examinant le matin le siège de son affection, fut surpris de voir qu’elle n’avait pas laissé la moindre trace. » Il est important d’ajouter, dit le compte rendu, que ces sortes de guérisons sont extrêmement rares et qu’il est presque inconnu que cette maladie se soit résolue ainsi sans le secours de l’art.

Alexander ab Alexandro raconte, chap, xi du premier livre de ses Jours Géniaux, qu’un sien fidèle serviteur, homme sincère et vertueux, couché dans son lit, dormant profondément, commença à se plaindre, soupirer et se lamenter si fort, qu’il éveilla tous ceux de la maison. Son maître, après l’avoir éveillé, lui demanda la cause de son cri. Le serviteur répondit : « Ces plaintes que vous avez entendues ne sont point vaines ; car lorsque je m’agitais ainsi, il me semblait que je voyais le corps mort de ma mère passer devant mes yeux, par des gens qui la portaient en terre. » On fit attention à l’heure, au jour, à la saison où cette vision était advenue, pour savoir si elle annoncerait quelque désastre au garçon : et l’on fut tout étonné d’apprendre la mort de cette femme quelques jours après. S’étant informé des jour et heure, on trouva qu’elle était morte le même jour et à la même heure qu’elle s’était présentée morte à son fils. Voy. Rambouillet.

Saint Augustin, sur la Genèse, raconte l’histoire d’un frénétique qui revient un peu à ce songe. Quelques gens étant dans la maison de ce frénétique entrèrent en propos d’une femme I qu’ils connaissaient, laquelle était vivante et faisait bonne chère, sans aucune appréhension de mal. Le frénétique leur dit : « Comment parlez-vous de cette femme ? Elle est morte ; je l’ai vue passer comme on la portait en terre. » Et un ou deux jours après, la prédiction fut confirmée[1]. Voy. Cassius, Hymera, Amilcar, Décius, etc.

Un certain Égyptien, joueur de luth, songea une nuit qu’il jouait de son luth aux oreilles d’un âne. Il ne fit pas d’abord grandes réflexions sur un tel songe ; mais quelque temps après, Antiochus, roi de Syrie, étant venu à Memphis pour voir son neveu Ptolomée, ce prince fit venir le joueur de luth pour amuser Antiochus. Le roi de Syrie n’aimait pas la musique ; il écouta d’un air distrait et ordonna au musicien de se retirer. L’artiste alors se rappela le songe qu’il avait fait, et ne put s’empêcher de dire en sortant ; « J’avais bien rêvé que je jouerais devant un âne. » Antiochus l’entendit par malheur, commanda qu’on le liât, et lui fit donner les étrivières. Depuis ce moment, le musicien perdit l’habitude de rêver, ou du moins de se vanter de ses rêves.

On raconte sur la mort de l’acteur Champmeslé une anecdote plus extraordinaire. Il avait perdu sa femme et sa mère. Frappé d’un songe où il avait vu sa mère et sa femme lui faire signe du doigt de venir les trouver, il était allé chez les Cordeliers demander deux messes des morts, l’une pour sa mère, l’autre pour sa femme. L’honoraire de ces messes était alors de dix sous. Champmeslé ayant donné au sacristain une pièce de trente sous, le religieux était embarrassé pour lui rendre les dix sous restants. « Gardez tout, dit l’acteur et faites dire sur-le-champ une troisième messe des morts ; elle sera pour moi. » En effet, il mourut subitement le même jour, au moment où le cordelier venait le voir.

 
 

Terminons par un petit fait récent, consigné dans l’Indicateur de Champagne :

Un jeune homme de vingt-cinq ans, M. Baptiste Renard, cultivateur demeurant chez ses parents, au hameau dit les Tourneurs, commune de Fontenelle, rêve, la nuit en dormant, qu’il

  1. Boistuau, Visions prodigieuses.