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il allait manger deux de ses belles-filles lorsqu’il fut exécuté à Bibourg, en Bavière[1].

Styx, fontaine célèbre dans les enfers des païens.

Succor-Bénoth, chef des eunuques de Belzébuth, démon de la jalousie.

Succubes, démons qui prennent des figures de femmes. On trouve dans quelques écrits, dit le rabbin Élias, que, pendant cent trente ans, Adam fut visité par des diablesses, qui accouchèrent de démons, d’esprits, de lamies, de spectres, de lémures et de fantômes. Sous le règne de Roger, roi de Sicile, un jeune homme, se baignant au clair de la lune avec plusieurs autres personnes, crut voir quelqu’un qui se noyait, courut à son secours, et ayant retiré de l’eau une femme, en devint épris, l’épousa et en eut un enfant. Dans la suite, elle disparut avec son enfant, sans qu’on en ait depuis entendu parler, ce qui a fait croire que cette femme était un démon succube. Hector de Boëce, dans son histoire d’Écosse, rapporte qu’un jeune homme d’une extrême beauté était poursuivi par une jeune démone, qui passait à travers sa porte fermée et venait lui offrir de l’épouser. Il s’en plaignit à son évêque, qui le fit jeûner, prier et se confesser, et la beauté d’enfer cessa de lui rendre visite. Delancre dit qu’en Égypte, un honnête maréchal ferrant étant occupé à forger pendant la nuit, il lui apparut un diable sous la forme d’une belle femme. Il jeta un fer chaud à la face du démon, qui s’enfuit.

Les cabalistes ne voient dans les démons succubes que des esprits élémentaires. Voy. Incubes, Abrahel, etc.

Sucre. Les Grecs ont, à la vérité, connu le sucre, mais seulement comme un article rare et précieux, et Théophraste, le premier, en fait mention. On l’appelait le sel indien. Cependant les Chinois connaissaient déjà l’art de le raffiner. De la Chine, le sucre fut porté vers l’Inde occidentale, où il reçut le nom qu’il porte encore aujourd’hui, succar. Parmi les peuples européens du moyen âge, ce furent les Portugais qui connurent les premiers le sucre dans les ports de l’Inde.

Les Indiens racontaient des merveilles de la vertu du sucre ; ils cherchèrent à induire les Portugais en erreur sur son origine. Mille contes fabuleux avaient couru à ce propos en Europe. Les savants l’appelaient miel de l’Orient. Cependant on objectait qu’on le découvrait dans le miel ordinaire. Les théoriciens répondaient qu’il ne fallait pas s’en laisser imposer par les praticiens, et que ce miel était une espèce de manne qui tombe du ciel en Inde. Il n’y avait rien à opposer à cet argument : la blancheur, la pureté, la suavité extraordinaire de ce remarquable produit, semblaient donner de l’appui à cette assertion.

La chimie s’occupa de l’analyse de la nouvelle manne, et conclut que c’était la résine qui s’écoule d’un tronc d’arbre à la manière de la résine du cerisier. C’est ainsi qu’on extravaguait sur l’origine du sucre ; le vulgaire ne manquait pas d’y ajouter du romanesque ; il regardait le sucre comme un ouvrage des sorcières indiennes, qui le tiraient des cornes de la lune pendant son premier quartier. Enfin Marco Polo vint étonner le monde européen lorsque, de retour de ses voyages, il entra dans Venise la canne à sucre en main, et expliqua le secret de préparer le sucre.

La culture de la canne à sucre fut introduite en Arabie ; de là, comme le café, on la transplanta dans les régions méridionales, en Égypte, en Sicile, à Madère, à Hispaniola, au Brésil, etc.

Suceurs (démons). Quoique immortels, dit Görres, les démons sont appauvris dans leur être et cherchent ailleurs ce qui leur manque. Ils le trouvent en partie dans l’homme ; or celui-ci ne peut perdre malgré lui ce qu’il a reçu comme portion de son être. Mais si les démons parviennent à obtenir son consentement, ils exercent un empire absolu sur le domaine qu’il leur a cédé, et le froid de la mort se réveille à la chaleur de la vie. Or la vie est dans le sang. C’est donc en suçant le sang de l’homme que les démons se nourrissent de la vie[2]. Ils apparaissent quelquefois en vampires ; et si on lit Homère, on voit, dans les sacrifices d’Ulysse aux enfers, combien les ombres et les dieux infernaux étaient avides de sang.

Sueur. On dit qu’un morceau de pain placé sous l’aisselle d’une personne qui transpire devient un poison mortel, et que, si on le donne à manger à un chien, il devient aussitôt enragé. C’est une erreur. La sueur de l’homme ne tue pas plus que sa salive.

Summanus, souverain des mânes dans l’ancienne mythologie.

Sunnyass, fanatiques de l’Inde. Voyez Superstitions.

Supercherie. Henri Estienne raconte que de son temps un curé de village répandit pendant la nuit dans le cimetière des écrevisses sur le dos desquelles il avait attaché de petites bougies. À la vue de ces lumières errantes, tout le village fut effrayé et courut chez le pasteur. Il fit entendre que c’étaient sans doute les âmes du purgatoire qui demandaient des prières. Mais malheureusement on trouva le lendemain une des écrevisses que l’on avait oublié de retirer, et l’imposture fut découverte.

Ce petit conte de Henri Estienne est une de ces inventions calomnieuses que les protestants ont prodiguées en si grand nombre.

  1. Delrio, Disquisitionum magicarum lib. II, p. 190. Édition de Mayence, 1612.
  2. Mystique, liv. VIII, ch. xxx.