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Superstitions. Saint Thomas définit la superstition : un vice opposé par excès à la religion, un écart qui rend un honneur divin à qui il n’est pas dû ou d’une manière qui n’est pas licite. Une chose est superstitieuse 1o lorsqu’elle est accompagnée de circonstances que l’on sait n’avoir aucune vertu naturelle pour produire les effets qu’on en espère ; 2o lorsque ces effets ne peuvent être raisonnablement attribués ni à Dieu ni à la nature ; 3o lorsqu’elle n’a été instituée ni de Dieu ni de l’Église ; b° lorsqu’elle se fait en vertu d’un pacte avec le diable. La superstition s’étend si loin que cette définition, qui est du curé Thiers, est très-incomplète. Il y a des gens qui jettent la crémaillère hors du logis pour avoir du beau temps ; d’autres mettent une épée nue sur le mât d’un vaisseau pour apaiser la tempête ; les uns ne mangent point de têtes d’animaux, pour n’avoir jamais mal à la tête ; les autres touchent avec les dents une dent de pendu ou un os de mort, ou mettent du fer entre leurs dents, pendant qu’on sonne les cloches le samedi saint, pour guérir le mal de dents. Il en est qui portent contre la crampe un anneau fait pendant qu’on chante la Passion ; ceux-ci se mettent au cou deux noyaux d’avelines joints ensemble contre la dislocation des membres ; ceux-là mettent du fil filé par une vierge ou du plomb fondu dans l’eau sur un enfant tourmenté par les vers. On en voit qui découvrent le toit de la maison d’une personne malade lorsqu’elle ne meurt pas assez facilement, que son agonie est trop longue et qu’on désire sa mort ; d’autres enfin chassent les mouches lorsqu’une femme est en travail d’enfant, de crainte qu’elle n’accouche d’une fille. Certains juifs allaient à une rivière et s’y baignaient en disant quelques prières ; ils étaient persuadés que si l’âme de leur père ou de leur frère était en purgatoire, ce bain la rafraîchirait.

Voici diverses opinions superstitieuses. Malheureux qui chausse le pied droit le premier. Un couteau donné coupe l’amitié. Il ne faut pas mettre les couteaux en croix ni marcher sur des fétus croisés. Semblablement, les fourchettes croisées sont d’un sinistre présage. Grand malheur encore qu’un miroir cassé une salière répandue, un pain retourné, un tison dérangé !… Certaines gens trempent un balai dans l’eau pour faire pleuvoir.

La cendre de la fiente de vache est très-sacrée chez les Indiens ; ils s’en mettent tous les matins au front et à la poitrine ; ils croient qu’elle purifie l’âme.

Quand, chez nous, une femme est en travail d’enfant, on vous dira, dans quelques provinces, qu’elle accouchera sans douleur si elle met la culotte de son mari. — Pour empêcher que les renards ne viennent manger les poules d’une métairie, il faut faire, dans les environs, une aspersion de bouillon d’andouille le jour du carnaval. — Quand on travaille à l’aiguille les jeudis et samedis après midi, on fait souffrir Jésus-Christ et pleurer la sainte Vierge. Les chemises qu’on fait le vendredi attirent les poux… Le fil filé le jour du carnaval est mangé des souris.

 
 

On ne doit pas manger de choux le jour de saint Étienne, parce qu’il s’était caché dans des choux. Les loups ne peuvent faire aucun mal aux brebis et aux porcs, si le berger porte le nom de saint Basile écrit sur un billet et attaché au haut de sa houlette. À Madagascar, on remarque, comme on le faisait à Rome, les jours heureux et les jours malheureux. Une femme de Madagascar croirait avoir commis un crime impardonnable si, ayant eu le malheur d’accoucher dans un temps déclaré sinistre, elle avait négligé de faire dévorer son enfant par les bêtes féroces, ou de l’enterrer vivant, ou tout au moins de l’étouffer.

On peut boire comme un trou, sans crainte de s’enivrer, quand on a récité ce vers :

 
Jupiter his alta sonuit dementer ab Ida.
 

Presque tous les articles de ce livre mentionnent quelque croyance superstitieuse. Nous citerons encore, avec un peu de désordre, plusieurs petits faits. Voici des notes de M. Marinier sur la Suède :

« Quand on enterre un mort, on répand sur le sentier qui va de sa demeure au cimetière des feuilles d’arbre et des rameaux de sapin.