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C’est l’idée de résurrection exprimée par un symbole. C’est le chrétien qui pare la route du tombeau. Quand vient le mois de mai, on plante à la porte des maisons des arbres ornés de rubans et de couronnes de fleurs, comme pour saluer le retour du printemps et le réveil de la nature. Quand vient Noël, on pose sur toutes les tables des sapins chargés d’œufs et de fruits, et entourés de lumières : image sans doute de cette lumière céleste qui est venue éclairer le monde. Cette fête dure quinze jours, et porte encore le nom de jul. Le jul était l’une des grandes solennités de la religion Scandinave. À cette fête, toutes les habitations champêtres sont en mouvement. Les amis vont visiter leurs amis, et les parents leurs parents. Les traîneaux circulent sur les chemins. Les femmes se font des présents ; les hommes s’assoient à la même table et boivent la bière préparée exprès pour la fête. Les enfants contemplent les étrennes qu’ils ont reçues. Tout le monde rit, chante et se réjouit, comme dans la nuit où les anges dirent aux bergers : Réjouissez-vous, il vous est né un sauveur. Alors aussi, on suspend une gerbe de blé en haut de la maison. C’est pour les petits oiseaux des champs qui ne trouvent plus de fruits sur les arbres, plus de graines dans les champs, Il y a une idée touchante à se souvenir, dans un temps de fête, des pauvres animaux privés de pâture, âne pas vouloir se réjouir sans que tous les êtres qui souffrent se réjouissent aussi.

» Dans plusieurs provinces de la Suède, on croit encore aux elfes qui dansent le soir sur les collines. Dans quelques autres, on a une coutume singulière. Lorsque deux jeunes gens se fiancent, on les lie l’un à l’autre avec la corde des cloches, et on croit que cette cérémonie rend les mariages indissolubles. »

Un nouveau voyage dans l’Inde nous fournit sur les superstitions de ces contrées de nombreux passages ; nous n’en citerons que quelques-uns.

« Lorsqu’un Indien touche à ses derniers moments, on le transporte au bord du Gange ; étendu sur la berge, les pieds dans l’eau, on lui remplit de limon la bouche et les narines ; le malheureux ne tarde pas à être suffoqué et à rendre le dernier soupir. Alors, ses parents, qui l’environnent, se livrent au plus frénétique désespoir ; l’air retentit de leurs cris ; ils s’arrachent les cheveux, déchirent leurs vêtements et poussent dans le fleuve ce cadavre encore chaud et presque palpitant, qui surnage à la surface jusqu’à ce qu’il devienne la proie des vautours et des chacals…

» Après avoir traversé plusieurs villes et villages, me voici devant Bénarès, la ville sainte des Hindous, le chef-lieu de leurs superstitions, où plusieurs princes ont des maisons habitées par leurs représentants, chargés défaire au nom de leurs maîtres des ablutions et les sacrifices prescrits par leur croyance.

» Le soleil n’est pas encore levé que les degrés du large et magnifique escalier en pierre de taille qui se prolonge jusqu’à l’eau, et qui à lui seul est un monument remarquable, sont chargés d’Hindous qui viennent prier et se baigner dans le Gange. Tous sont chargés de fleurs ; à chaque strophe de leurs prières, ils en jettent dans l’eau, dont la surface, au bout de quelques moments, est couverte de camellias, de roses, de mongris ; hommage que tous les sectateurs de Brahma rendent chaque jour au roi des fleuves.

» En parcourant les rues, qui sont toutes fort étroites, je vis une foule nombreuse se diriger vers une large avenue de manguiers, qui aboutissait à l’une des Payades. C’était un jour de grande solennité. Je parvins avec peine près de ce temple, où les plus étranges scènes s’offrirent à mes regards. Je me crus un moment entouré de malfaiteurs subissant la peine de leurs crimes, ou bien certainement de fous furieux ; les uns, véritables squelettes vivants, étaient depuis vingt années renfermés dans des cages de fer d’où ils n’étaient jamais sortis ; d’autres, insensés, suspendus par les bras, avaient fait vœu de rester dans cette position jusqu’à ce que ces membres, privés de sentiment, eussent perdu leur jeu d’articulation. Un de ces fanatiques me frappa par son regard sombre et farouche, qui décelait l’horrible angoisse qu’il éprouvait en tenant son poing constamment fermé, pour que ses ongles, en croissant, entrassent dans les chairs et finissent par lui percer la main. Chez ce peuple idolâtre, il existe des préjugés, des superstitions plus affreuses encore, entre autres l’horrible et barbare sacrifice des femmes sur le bûcher de leur mari défunt. Les lois sévères et l’influence morale des Anglais, à qui appartient une grande partie de cette immense contrée, ne diminuent pas vite ces coutumes absurdes et révoltantes. Mais ces sacrifices odieux ont encore lieu en secret, et le préjugé est tel que la malheureuse victime qui s’arrache au bûcher est rejetée de sa caste, maudite de sa famille, et traîne les jours qu’elle a voulu sauver dans l’ignominie, la misère et l’abandon.

» Chez tous les peuples qui n’ont pas reçu la lumière de l’Évangile et parmi les Indiens plus que partout ailleurs, une femme est regardée pour si peu de chose que les plus durs traitements, les travaux les plus pénibles lui sont réservés. Aussi s’habituent-ils difficilement à voir les femmes européennes entourées d’hommages et de respect.

» Bénarès, comme toutes les villes indiennes, offre le singulier mélange de toutes les superstitions des divers peuples de l’Orient. À leurs traits beaux et réguliers, à leurs membres musculeux, à leurs turbans blancs et à leurs larges panta-