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BAG
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resta immobile quand il lui fallait tourner. Aymar, un peu confondu, avoua enfin qu’il n’était qu’un charlatan adroit, que la baguette n’avait aucun pouvoir, et qu’il avait cherché à gagner de l’argent par ce petit procédé…

Pendant ses premiers succès, une demoiselle de Grenoble, à qui la réputation d’Aymar avait persuadé qu’elle était douée aussi du don de tourner la baguette, craignant que ce don ne lui vînt de l’esprit malin, alla consulter le père Lebrun, qui lui conseilla de prier Dieu en tenant la baguette. La demoiselle jeûna et prit la baguette en priant. La baguette ne tourna plus : d’où l’on conclut que c’était le démon ou l’imagination troublée qui l’agitait.

On douta un peu de la médiation du diable, dès que le fameux devin fut reconnu pour un imposteur. On lui joua surtout un tour qui décrédita considérablement la baguette. Le procureur du roi au Châtelet de Paris fit conduire Aymar dans une rue où l’on avait assassiné un archer du guet. Les meurtriers étaient arrêtés, on connaissait les rues qu’ils avaient suivies, les lieux où ils s’étaient cachés ; la baguette resta immobile.

 
 

On fit venir Aymar dans la rue de la Harpe, où l’on avait saisi un voleur en flagrant délit ; la perfide baguette trahit encore toutes les espérances.

Néanmoins la baguette divinatoire ne périt point ; ceux qui prétendirent la faire tourner se multiplièrent même, et ce talent vint jusqu’en Belgique. Il y eut à Heigne, près de Gosselies, un jeune garçon qui découvrit les objets cachés ou perdus au moyen de la baguette de coudrier. Cette baguette, disait-il, ne pouvait pas avoir plus de deux ans de pousse. — Un homme, voulant éprouver l’art de l’enfant de Heigne, cacha un écu au bord d’un fossé, le long d’un sentier qu’on ne fréquentait presque pas. Il fit appeler le jeune garçon et lui promit un escalin s’il pouvait retrouver l’argent perdu. Le garçon alla cueillir une branche de coudrier, et tenant dans ses deux mains les deux bouts de cette baguette, qui avait la forme d’un Y, après avoir pris différentes directions, il marcha devant lui et s’engagea dans le petit sentier. La baguette s’agitait plus vivement. Il passa le lieu où l’écu était caché ; la baguette cessa de tourner. L’enfant revint donc sur ses pas ; la baguette sembla reprendre un mouvement très-vif ; elle redoubla vers l’endroit qu’on cherchait. Le devin se baissa, chercha dans l’herbe et trouva le petit écu, à l’admiration de tous les spectateurs.

Sur l’observation que le bourgeois fit, pour essayer la baguette, qu’il avait perdu encore d’autre argent, le jeune garçon la reprit, mais elle ne tourna plus. — On se crut convaincu de la réalité du talent de l’enfant. On lui demanda qui l’avait instruit. « C’est le hasard, dit-il ; ayant un jour perdu mon couteau en gardant les troupeaux de mon père, et sachant tout ce qu’on disait de la baguette de coudrier, j’en fis une qui tourna, qui me fit retrouver ce que je cherchais et ensuite beaucoup d’autres objets perdus. »

C’était très bien. Malheureusement d’autres épreuves, examinées de plus près, ne réussirent pas, et on reconnut que la baguette divinatoire