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Benthaméléon. Titus, ayant pris Jérusalem, publia un édit qui défendait aux Juifs d’observer le sabbat et de se circoncire, et qui leur ordonnait de manger toute espèce de viande. Les Juifs, consternés, envoyèrent à Titus le rabbin Siméon, qui passait pour un homme très-habile. Siméon s’étant mis en chemin avec le rabbin Eléazar, ils rencontrèrent un démon nommé, dirent-ils, Benthaméléon, qui demanda à les accompagner, leur avouant quelle était sa nature, mais se disant enclin à rendre service aux Juifs et leur promettant d’entrer dans le corps de la fille de Titus, et d’en sortir aussitôt qu’ils le lui commanderaient, afin qu’ils pussent gagner l’empereur par ce prodige. Les deux rabbins acceptèrent sa proposition avec empressement ; et, Benthaméléon ayant tenu sa parole, ils obtinrent en effet la révocation de l’édit.

Berande, sorcière brûlée à Maubec, près Beaumont de Lomaignie, en 1577. En allant au supplice, elle accusa une demoiselle d’avoir été au sabbat ; la demoiselle le nia. Bérande lui dit :. « Oublies-tu que la dernière fois que nous fîmes la danse, à la croix du pâté, tu portais le pot de poison ?… » Et la demoiselle fut réputée sorcière, parce qu’elle ne sut que répondre[1].

Berbiguier (Alexis-Vincent-Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym), né à Carpentras, est un auteur qui vit peut-être encore et qui a publié en 1821 un ouvrage dont voici le titre : les Farfadets, ou tous tes démons ne sont pas de l’autre monde, 3 vol. in-8o, ornés de huit lithographies et du portrait de l’auteur, entouré d’emblèmes, surmonté de cette devise : Le fléau des farfadets. — L’auteur débute par une dédicace à tous les empereurs, rois, princes souverains des quatre parties du monde. — « Réunissez vos efforts aux miens, leur dit-il, pour détruire l’influence des démons, sorciers et farfadets qui désolent les malheureux habitants de vos États. »

Il ajoute qu’il est tourmenté par le diable depuis vingt-trois ans, et il dit que les farfadets se métamorphosent sous des formes humaines pour vexer les hommes. Dans le chapitre II de son livre, il nomme tous ses ennemis par leurs noms, en soutenant que ce sont des démons déguisés, des agents de Belzébuth ; qu’en les appelant infâmes et coquins, ce n’est pas eux qu’il insulte, mais les démons qui se sont emparés d’eux. « On me fait passer pour fou, s’écrie-t-il ; mais si j’étais fou, mes ennemis ne seraient pas tourmentés comme ils le sont tous les jours par, mes lardoires, mes épingles, mon soufre, mon sel, mon vinaigre et mes cœurs de bœuf. »

Les trois volumes sont en quelque sorte les Mémoires de l’auteur, que le diable ne quitte pas. Il établit le pouvoir des farfadets ; il conte, au chapitre IV, qu’il s’est fait dire la bonne aventure en 1796 par une sorcière d’Avignon, appelée la Mansotte, qui se servait pour cela du jeu de tarots, « Elle y ajouta, dit-il, une cérémonie qui, sans doute, est ce qui m’a mis entre les mains des farfadets. Elles étaient deux disciples femelles de Satan ; elles se procurèrent un tamis propre à passer de la farine, sur lequel on fixa une paire de ciseaux par les pointes. Un papier blanc plié était posé dans le tamis. La Mansotte et moi nous tenions chacun un anneau des ciseaux, de manière que le tamis était, par ce moyen, suspendu en l’air. Aux divers mouvements du tamis, on me faisait des questions qui devaient servir de renseignements à ceux qui voulaient me mettre en leur possession. Les sorcières demandèrent trois pots : dans l’un elles enfermèrent quelques-uns des tarots jetés sur la table, et préférablement les cartes à figures. Je les avais tirées du jeu les yeux bandés. Le second pot fut garni de sel, de poivre et d’huile ; le troisième de laurier. Les trois pots, couverts, furent déposés dans une alcôve, et les sorcières se retirèrent pour attendre l’effet… Je rentrai chez moi à dix heures du soir ; je trouvai mes trois croisées ouvertes, et j’entendis au-dessus de ma tête un bruit extraordinaire. J’allume mon flambeau ; je ne vois rien. Le bruit que j’entendais ressemblait au mugissement des bêtes féroces ; il dura toute la nuit. Je souffris trois jours diverses tortures, pendant lesquelles les deux sorcières préparaient leurs maléfices. Elles ne cessèrent, tant que dura leur manège, de me demander de l’argent. Il fallait aussi que je fusse là pour leur donner du sirop, des rafraîchissements et des comestibles ; car leurs entrailles étaient dévorées par le feu de l’enfer. Elles eurent besoin de rubans de différentes couleurs, qu’elles ne m’ont jamais rendus. Pendant huit jours que dura leur magie, je fus d’une tristesse accablante. Le quatrième jour, elles se métamorphosèrent en chats, venant sous mon lit pour me tourmenter. D’autres fois elles venaient en chiens : j’étais accablé par le miaulement des uns et l’aboiement des autres. Que ces huit jours furent longs ! »

Berbiguier s’adressa à un tireur de cartes, qui se chargea de combattre les deux sorcières ; mais il ne lui amena que de nouveaux tourments.

Dans les chapitres suivants, fauteur se fait dire encore sa bonne aventure et se croit obsédé ; il entend sans cesse à ses oreilles des cris de bêtes affreuses ; il a des peurs et des visions. Il vient à Paris pour un procès, fait connaissance d’une nouvelle magicienne, qui lui tire les cartes. « Je lui demandai, dit-il, si je serais toujours malheureux ; elle me répondit que non ; que, si je voulais, elle me guérirait des maux présents et à venir, et que je pouvais moi-même faire le remède. — Il faut, me dit-elle, acheter une chandelle de suif chez la première marchande dont la

  1. M. Jules Garinet, Histoire de la magie en France, p. 432.