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LE RESTE EST SILENCE…

des deux côtés de ses tempes, saisit son sac, son ombrelle, murmura :

— Léon, ad… Au revoir, à bientôt, sois sage, aime-moi bien…

Et la voilà partie en courant, comme une petite fille, dans le corridor. Je me précipitai à sa poursuite, mais la porte se referma avec un bruit terrible ; je crus que la maison s’écroulait. Je poussai un cri furieux : « Maman, reviens ! » Trop tard !

Oui, elle était partie, comme cela. J’habitais donc un monde où de telles choses sont possibles, où les mères s’en vont, abandonnant leurs enfants. Elle m’avait dit qu’elle reviendrait, mais d’obscures intuitions m’assuraient le contraire. Je comprenais qu’elle nous avait quittés pour toujours. C’était un mot énorme pour moi, il emplissait toute ma tête d’enfant ; elle était lourde, comme un rocher, avec cette expression-là entre les parois de son crâne. Qui aurait pu croire que cela arriverait jamais ? Maintenant c’était fait, il avait suffi d’un petit instant très court, — un instant que l’on vit comme les autres,