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LE RESTE EST SILENCE…

êtres, et que, lorsque cette crise serait complètement finie, il ne serait pas plus habile ni plus fin avec elle. De tout ce qui s’était passé pendant le repas et de la terrible lettre, nul ne souffla un mot. Avant de se mettre à table, ils allèrent un moment dans leur chambre et ils causèrent à voix basse pendant une demi-heure. Quand ils revinrent, maman avait l’air radieux, et elle avait remis toutes ses bagues, laissées, la veille, sur la cheminée. Je m’étonnai un peu, dans mon ingénuité, que papa, qui avait souvent tenu rigueur à sa femme pour des vétilles, ne lui en voulût pas davantage de nous avoir laissés dans l’incertitude et l’angoisse pendant près d’un jour, mais aujourd’hui je ne m’étonne plus de rien, et je ne savais pas alors que, lorsque l’on a imaginé le pire malheur, on est tout content d’en avoir eu un moindre.

Élise, pendant le déjeuner, promenait sur nous des regards sournois. Elle ne comprenait plus du tout ce qui s’était passé, mais qu’avait-elle besoin de comprendre ?