Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/181

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chagrin, qui devrait toujours, toujours, rester inconnu. À la fin, elle se leva et vint vers moi, comme si elle comprenait mes tristes pensées.

— Et vous, qu’avez-vous fait ici ? demanda-t-elle en s’asseyant près de moi et en me prenant sur ses genoux, bien que je fusse bien grand pour cela.

Alors je lui racontai la manière dont j’avais reçu papa à son retour, et son trouble et notre attente, et cette interminable nuit d’été et nos rêves. Parfois elle souriait et paraissait toute joyeuse, quand je lui disais que j’avais rapporté textuellement ses propos à mon père, tantôt elle soupirait, et je voyais ses yeux s’embuer d’une sorte de brouillard. Lorsque j’eus terminé mon récit, elle me serra passionnément contre elle :

— Mon pauvre petit, tu ne m’en veux pas trop ?…

Je l’embrassai pour toute réponse.

— Je t’ai fait souffrir, c’est vrai : pardonne-moi, mais j’ai tant souffert aussi ! Vois-tu, la vie n’est pas comme on la rêve.