Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/236

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dait les sveltes ballerines de pourpre, qui s’élançaient du bois consumé, se ramassaient sur elles-mêmes et bondissaient plus haut. Ces lueurs inégales et falotes semblaient remuer les décombres de sa mémoire. Elles allumaient aussi des points d’or rouge en tombant sur les cendres de son passé. Ah ! les tristes, les merveilleuses histoires que raconte le feu, les soirs d’automne, à ceux qui ont un passé ! D’où vient cette puissance, pourquoi cette magie ? Mais le feu est aussi un vieux compagnon radoteur, et c’étaient toujours les mêmes noms que Cornwallis lisait dans les flammes :

— Georgiana, Margaret, Sophonisba, Antoinette, Agnès, Rébecca…

Il s’interrogeait, en semblant interroger la furtive et continuelle salamandre de l’âtre :

— Laquelle m’a le plus aimé ?

Mais le feu sifflait et sautait gaiement comme s’il se moquait des paroles du lord.

— Celle qui m’a le plus mal compris et le plus mal connu, sans doute, se répondait alors Cornwallis. Mais celle qui m’a