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LE RESTE EST SILENCE…

s’éloignait le long du trottoir. J’eus beau chercher, je n’aperçus personne de connaissance… Pour la remercier de sa visite, mon père voulut offrir des fleurs à sa femme. Elle les adorait. Nous entrâmes dans une boutique. Il y faisait sombre et frais, — frais comme la nuit dans les jardins, avec la même odeur de terre mouillée et de branches. Des arbustes verts s’amoncelaient dans des profondeurs lustrées, formant une forêt vierge en miniature, jetant des palmes, des feuilles, les unes tachetées comme des panthères, les autres velues comme des chenilles, d’autres encore plus luisantes que des armes. Des bouquets trempaient dans de grands vases, lourds, un peu défaillants. Mon père acheta des chrysanthèmes ; il y en avait de neigeux, de lie-de-vin, d’orangés, hérissés à la manière des chats en fureur ou répandus comme la cime débordante d’un jet d’eau. Certains n’étaient plus qu’une houppe de poils frisés, un duvet vieil-or ou vieux-rose au bout d’une hampe grêle…

Nous rentrâmes plus contents, tous les