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LE RESTE EST SILENCE…

pour lui mieux mentir aujourd’hui. Elle joue avec des ombres, puisqu’il n’y a que des ombres qui demeurent vraiment avec nous…

Ah ! certains jours, je donnerais tout ce que j’ai et tout ce que je suis pour entendre une demi-heure, — rien qu’une petite demi-heure ! — pour entendre encore une fois, comme je l’entendais presque chaque soir, en ces jours bienheureux de mon enfance, ma mère si jolie jouer d’antiques romances ou des valses très vieilles, qui dataient d’une époque ancienne et si rapprochée cependant, — qui dataient du temps où elle était jeune fille !

Je m’accroupissais sur un meuble et j’écoutais. Parfois, cela s’arrêtait soudain. Ou bien on allumait les bougies, et maman rouvrait les cahiers pour exécuter des morceaux compliqués et savants. Je sais aujourd’hui comment on les appelle. Je n’ignore plus qu’ils sont les vases sacrés où se conserve le génie d’un homme. Le plus fréquemment, c’étaient les Sonates de Beethoven ou les Nocturnes de Chopin. Et