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LE RESTE EST SILENCE…

paperassier, gardé dans une étude de notaire, afin de singer son patron et d’amuser les clients, et de mes abominables cousins, lourdauds pleins de grossièreté et de malice. Et nous nous amusions aussi du terrible M. Godfernaux, et des employés de bureau, et de ce bureau lui-même dont mon père ne parlait qu’avec un respect sacré et une réserve mystérieuse, comme si l’univers entier fut aux aguets pour surveiller les affaires qui se combinaient là, sous les abat-jour verts des lampes…

Le printemps, doux comme le lait, emplissait l’atmosphère, il coulait avec les fleurs et les senteurs des feuilles fraîches, avec la tiédeur des brises et les caresses attardées et glissantes du vent. On l’aspirait dans tous ses pores comme un vin léger et qui grise à la longue. Le ciel avait la même couleur que la robe de maman, le même bleu fondant et pâle, et, au milieu, passaient en grand apparat, des falbalas de nuages en dentelle, mousseux, transparents, dont