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LES BARRICADES

nait plus pauvre, quand se taisaient les feuilles, avec le calme annonciateur de la nuit, quand, dans le pré obscur, seul, brillait un ruban d’eau, quand un frisson soudain me prenait, comme si quelqu’un mettait le pied sur ma tombe, je m’arrêtais soudain de vivre. Je veux dire que toutes mes facultés souffraient d’une sorte d’inhibition subite ; mes nerfs devenaient atones, mon esprit, frappé de stupeur. Tout m’apparaissait misérable, sordide, puant. La vie prenait à mes yeux couleur de cloaque, rien ne m’intéressait plus, rien n’accrochait la moindre étincelle à ma pensée. J’avais envie de pleurer, j’avais envie de mourir, et pourtant, au contraire, j’aurais voulu vivre pleinement, être mêlé à des actions énormes, prendre ma part de fêtes grandioses, d’orgies, ou encore, me griser de passions héroïques, d’exploits chevaleresques. Mais surtout j’aspirais à l’amour…