Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/111

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de six semaines. Engels en fut si ravi qu’il se hâta d’écrire à Sorge (14 juin) une lettre triomphante :


Les Jurassiens ont opéré un mouvement décisif de retraite : l’Internationale annonce qu’ils ont décidé de proposer à leurs collègues de l’Alliance de ne pas envoyer de délégués au Congrès « que le prétendu Conseil général pourrait être tenté de convoquer », mais de tenir un Congrès séparé dans une ville suisse à désigner par leurs fédérations. Cela signifie : À Genève nous n’oserions pas nous faire voir, nous y recevrions des horions. Ils se réuniront donc dans quelque trou du Jura ; après le Congrès d’Olten, ils ne pourraient plus se montrer nulle part ailleurs en Suisse. Ils ont d’autres raisons encore : a) le peu d’envie qu’a toujours montré Bakounine d’accepter un débat personnel ; b) l’expulsion de Guillaume et la sienne, qui ferait apparaître dès le début la question cardinale sous une forme purement personnelle, à quoi viendrait s’ajouter le fait d’escroquerie[1] de Bakounine, qui le tuerait immédiatement (das ihn sofort kaputt machen würde) ; et c) ils savent bien que chez eux, en réalité, les choses ne vont pas mieux que chez nous[2], et que là aussi les querelles intestines ont lassé et dégoûté les gens.


Engels, hélas ! se trompait : ce n’était pas dans un « trou du Jura » qu’allait être convoqué le Congrès général des Fédérations autonomes, mais à Genève même, à la barbe des hommes du Temple-Unique. Aussitôt qu’il eut été avisé que les Fédérations régionales avaient accepté la proposition belge de charger la Fédération jurassienne d’organiser le Congrès général, le Comité fédéral jurassien consulta (par circulaire en date du 24 juin) les Sections jurassiennes sur le choix de la ville suisse où le Congrès devrait avoir lieu, et leur demanda l’autorisation de proposer Genève aux autres Fédérations ; les réponses des Sections devaient être envoyées pour le 1er juillet ; à l’unanimité, elles répondirent affirmativement. Et alors, par une circulaire en date du 8 juillet, le Comité fédéral jurassien invita les délégués des Fédérations régionales à se réunir le dimanche 31 août à Genève, à la brasserie Schiess, aux Pâquis, pour y ouvrir le lendemain 1er septembre le sixième Congrès général de l’Internationale, avec l’ordre du jour suivant, adopté par les fédérations :

« Constitution définitive du pacte de solidarité entre les Fédérations libres de l’Internationale, et revision des statuts généraux de l’Association ;

« De la grève générale ;

« Organisation universelle de la résistance et tableaux complets de la statistique du travail. »


Le Conseil général de New York, lui, convoqua son Congrès pour le lundi 8 septembre à Genève, et Sorge chargea spécialement Becker de prendre les mesures nécessaires d’organisation. La circulaire de convocation est datée du 1er juillet (Sorge, p. 114).


En Espagne, l’Internationale prenait un développement de plus en plus considérable. Au Congrès de Cordoue, quarante-deux fédérations locales, avec 236 sections et 20.402 membres, avaient été représentées ; après le Congrès, vingt-huit fédérations locales qui n’y avaient pas envoyé de délégués s’étaient dé-

  1. Escroquerie est en français dans le texte. Sorge a ajouté lui-même ici une note explicative ainsi conçue : « Escroquerie, une action déloyale (betrügerische Handlung), une filouterie (Schwindel) commise par Bakounine, mais à laquelle, par égard pour des tiers, il avait été fait simplement allusion, sans rien préciser ».
  2. On voit qu’Engels, passé maître en charlatanisme, jugeait les autres à son aune.