Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/125

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alors de la vieille maison, d’une assez grande vigne tout à fait délabrée, d’un très petit potager, et della scuderia[1], moins la nouvelle adjonction pour remise et chambre au-dessus. Il était évident que la vieille maison avait trop peu de chambres pour abriter toute ma famille et encore tous les intimes qui viendraient temporairement habiter avec nous. Pour y suppléer, il n’y avait que deux moyens : ou bien agrandir la vieille maison, en y ajoutant deux assez grandes chambres derrière la galerie, ou bâtir une nouvelle maison. J’opinai résolument pour le premier moyen : j’avais comme le pressentiment que la construction d’une nouvelle maison...[2], et il me semblait que l’adjonction de deux chambres suffirait absolument à nos besoins. Mais on m’objecta que d’abord la maison était humide, et l’humidité, disait le Dr  Jacoby[3], — qui aussi bien que sa femme et les Zaytsef nous avait accompagnés dans cette visite d’investigation, — deviendrait mortelle pour ma précieuse santé ; et cette chère santé était alors la principale préoccupation de Cafiero, au moins à en juger par ce qu’il disait ; et je ne sais plus s’il disait ce qu’il pensait, comme j’en avais été persuadé alors, — car ce n’est que dans les tout derniers temps que j’ai commencé à m’apercevoir que, vis-à-vis de moi aussi bien que vis-à-vis de tout le monde, il y a souvent une grande différence entre sa parole et sa pensée intime[4]. En outre on ajoutait, et cette observation vint précisément de Cafiero, que l’adjonction de deux chambres ne serait pas suffisante pour le but qu’on se proposait ; et, enfin, que les deux nouvelles chambres, privées complètement de soleil, seraient excessivement malsaines.

On décida donc, contre mon avis, de bâtir une nouvelle maison. On s’en alla en expédition sur la montagne[5], par un sentier si rude à gravir que je ne les accompagnai pas, et que deux mois plus tard j’ignorais encore l’emplacement choisi pour la nouvelle maison. Ostroga[6] était de la partie, et il fut invité par Cafiero à jeter le plan du nouveau bâtiment. Ostroga en fit deux : l’un beaucoup plus grand, conformément aux indications de Cafiero ; l’autre plus petit, c’est celui de la maison actuelle, avec quelques modifications et embellissements proposés par l’ingénieur Galli.

... Ce fut alors que Cafiero émit pour la première fois avec beaucoup de chaleur une pensée à laquelle il resta obstinément fidèle jusqu’à son retour de Russie[7]. Il disait que je devrais désormais m’abstenir de toute expédition révolutionnaire, que je devrais laisser cela aux jeunes gens...

  1. « De l’écurie ».
  2. Ici le copiste a oublié trois ou quatre mots, qu’il faut suppléer. Ces mots, devaient être : « aurait des suites fâcheuses », ou quelque chose de semblable.
  3. Le médecin russe Jacoby était le beau-frère de Zaytsef ; après avoir précédemment habité Turin, il séjournait à Locarno avec sa famille, depuis le commencement de 1873, je crois.
  4. Ne pas oublier que ceci a été écrit dans un moment de colère. Comme on le verra quand on aura lu le détail de toute cette lamentable histoire, Cafiero n’a pêché que par excès de générosité, de laisser-aller et d’imprévoyance.
  5. Le terrain de la Baronata s’étendait sur une pente, et la partie supérieure de la propriété, où on construisit la maison neuve, était séparée de la partie inférieure par une espèce de falaise.
  6. « Ostroga » était le nom sous lequel Mroczkowski — à ce moment en visite à Locarno — vivait à Menton, où il exerçait la profession de photographe.
  7. C’est au mois de juin 1874 que Cafiero fit un voyage en Russie (dont il sera parlé au chapitre VIII. Il en revint au commencement de juillet 1874.