Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/197

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vrières à examiner sérieusement la voie révolutionnaire, qui seule pourra assurer le triomphe des travailleurs » ; ce Manifeste portait les signatures des sept membres du Conseil régional, P. Bastin, J.-N. Demoulin, G. Gérombou, L. Lincé, T. Malempré, J. Ernst, et E. Piette. Le Congrès régional de Pâques eut lieu les 5 et 6 avril à Baume, dans le Centre-Hainaut ; on y discuta entre autres sur les moyens d’activer la propagande et de créer de nouvelles sections.


Les élections qui eurent lieu en Allemagne en janvier 1874 firent entrer au Reichstag neuf députés socialistes : six membres de la fraction d’Eisenach, tous élus en Saxe, Bebel, Geib, Liebknecht, Most, Motteler et Vahlteich ; et trois lassalliens, Hasenclever et Reimer, élus dans le Schleswig-Holstein, et lHasselmann, élu à Barmen-Elberfeld. Le vieux démocrate prussien Johann Jacoby, qui s’était publiquement rallié à la fraction d’Eisenach, avait consenti à laisser poser sa candidature en Saxe, et fut élu ; mais il refusa d’accepter sa nomination ; dans une lettre à ses électeurs, il rappela qu’avant les élections il avait publié une déclaration par laquelle il se réservait expressément le droit d’accepter ou de refuser le mandat qu’il aurait reçu : « Je fais maintenant usage, ajouta-t-il, du droit que je m’étais réservé, et je déclare que je refuse le mandat de député au Reichstag. Convaincu de l’impossibilité d’opérer, par les moyens parlementaires, la transformation d’un État militaire en un État populaire, je ne puis pas me résoudre à prendre part à des délibérations dont je connais d’avance l’inutilité. » Le Volksstaat se montra très mécontent de cette décision, et fit d’amers reproches à Jacoby, qui faisait perdre un siège aux socialistes !

« Les ouvriers de Mulhouse, bien qu’abstentionnistes, avaient résolu de poser la candidature de Liebknecht, qui était alors en prison, uniquement à titre de protestation. Les bonapartistes, les légitimistes, les républicains de toute nuance, se coalisèrent pour nommer un candidat anti-prussien : leur choix tomba sur un imbécile, un bonapartiste, un homme qui avait fait de sa fabrique un sérail, mais qui était plusieurs fois millionnaire. » Grande fut la colère des coalisés contre les ouvriers socialistes, qu’on traita de Prussiens. À partir de ce jour, on chercha une occasion pour chasser l’ouvrier à qui on attribuait l’initiative de la candidature Liebknecht, notre ami Weiss, qui depuis quinze ans travaillait dans la manufacture de Kœchlin frères. On ne la trouva pas, et on finit par lui dire tout bonnement, dix-huit mois plus tard, qu’on voulait que l’ordre régnât dans la fabrique, et qu’on le priait de chercher de l’ouvrage ailleurs (Bulletin du 19 septembre 1875).

Le fait que les députés des deux fractions allaient siéger côte à côte au Reichstag devait forcément amener entre eux un rapprochement, dont la première manifestation publique eut lieu à l’occasion de la question d’Alsace-Lorraine. Les députés alsaciens-lorrains avaient présenté au Reichstag, le 18 février 1874, la proposition suivante : « La population d’Alsace-Lorraine, qui a été annexée à l’Empire allemand par le traité de Francfort sans avoir été consultée, sera appelée à se prononcer par un vote spécial sur cette annexion ». Cette proposition et le discours prononcé par le député alsacien Teutsch furent accueillis par des huées, des vociférations, des rires insultants. Au vote, toutes les fractions bourgeoises se levèrent comme un seul homme contre la proposition. Les seuls députés qui, a la contre-épreuve, au milieu de l’hilarité redoublée et mêlée de rage de la majorité, se déclarèrent en faveur de la proposition des Alsaciens, furent les Polonais, le Danois Kryger, le Hanovrien Ewald, le républicain Sonnemann, et les sept socialistes présents (Bebel et Liebknecht étaient encore détenus à la forteresse de Hubertsbourg, d’où ils ne sortirent, Liebknecht qu’à l’automne de 1874, Bebel qu’en 1875). Les socialistes motivèrent leur vote par une déclaration qui fut signée à la fois par les lassalliens (Hasenclever, Hasselmann et Reimer) et par ceux de la fraction d’Eisenach (Geib, Most, Motteler et Vahlteich).


Nous applaudissons à ce rapprochement, — écrivis-je dans le Bulletin,