Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/206

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À Genève, un conflit avait éclaté le 13 avril parmi les ouvriers du bâtiment. Des « faux-frères », qui travaillaient au-dessous du tarif, dans un chantier du Cours de Rive, furent engagés par leurs collègues à se conformer à l’ordre de choses établi ; ils s’y refusèrent, et il en résulta une rixe, à la suite de laquelle une cinquantaine d’arrestations furent opérées pour protéger la « liberté du travail ». Le Bulletin écrivit à ce sujet : « Si les ouvriers genevois, au lieu de laisser l’Internationale se désorganiser dans leur ville et tomber à l’état de simple fantôme, avaient maintenu la forte organisation qu’ils possédaient en 1869, un conflit pareil n’aurait pas eu lieu : la puissance de l’Association aurait obligé tout le monde, ouvriers et patrons, à respecter les tarifs, et aucun prétexte n’aurait été donné à des voies de fait qui servent d’occasion aux journaux bourgeois pour inventer de nouvelles calomnies... Ouvriers de Genève, réorganisez fortement l’Internationale, réveillez l’esprit de solidarité, et vous aurez fermé l’ère des rixes inutiles et fratricides, pour reprendre, sur les seules bases sérieuses, le grand combat du prolétariat luttant pour son émancipation. » Un article (écrit par Joukovsky) publié dans le Bulletin du 31 mai refit, une fois de plus, la démonstration des illusions de la politique électorale :« Le gouvernement radical genevois expulse une vingtaine d’ouvriers, et en emprisonne environ soixante-dix. Jamais pareille mesure n’avait été prise par les gouvernements précédents, mais celui d’aujourd’hui n’est pas radical pour rien. Y a-t-il une raison pour qu’il s’arrête en cette voie? Qui pourrait l’arrêter, sinon le peuple travailleur ? Est-ce en votant pour lui que le travailleur de Genève mettra fin aux agissements du radicalisme bourgeois ? Voilà les questions qui d’elles-mêmes se posent à l’esprit des ouvriers de Genève. Qu’ils y réfléchissent ! »

Le Congrès annuel de la Fédération jurassienne se réunit à la Chaux-de-Fonds les 25, 25 et 27 avril, dans la salle du Casino. Neuf Sections, celles de Saint-Imier, Sonvillier, graveurs et guillocheurs du district de Courtelary, Chaux-de-Fonds, graveurs et guillocheurs du Locle, Neuchâtel, Genève, Berne, et une Section d’Alsace, y furent représentées par quinze délégués[1]. La Section de Genève était celle qui, de 1871 à 1873, avait porté le nom de « Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste » ; après le Congrès général de 1873, elle avait trouvé bon d’alléger ce titre de ses cinq derniers mots, et elle s’appelait maintenant « Section de propagande » tout court ; la Section de Berne était un Cercle d’études sociales fondé récemment sur l’initiative de Paul Brousse, et qui groupait quelques ouvriers de langue française et de langue allemande, ainsi que quelques étudiantes russes. Le Congrès, après avoir constaté la bonne marche de l’administration du Bulletin, dont les comptes présentaient, à la fin de 1873, un boni de 138 fr. 60, décida que cette administration resterait au Locle ; il plaça le Comité fédéral à la Chaux-de-Fonds. Deux rapports écrits furent présentés, l’un par la Section des graveurs et guillocheurs du district de Courtelary, sur cette question : « De l’adhésion des sociétés de métier à l’Internationale » ; le second par l’Union des Sections internationales du district de Courtelary, sur cette autre question : « Des causes des crises industrielles et de leurs conséquences au point de vue des intérêts ouvriers » ; un extrait du premier de ces rapports fut publié dans le Bulletin du 24 mai suivant, sous ce titre : « Les Fédérations de métiers »[2] ; quant au se-

  1. Le Bulletin ne donne pas la liste des délégués, mais seulement la composition du bureau : président, Ali Eberhardt, remonteur, délégué de Saint-Imier ; vice-président, Desponds, graveur, délégué des graveurs et guillocheurs du Locle ; secrétaires (pris en dehors des délégués), Imboden, dessinateur, de la Chaux-de-Fonds ; Châtelain, guillocheur, du Locle ; Joukovsky, instituteur, de Genève. Dans le compte-rendu du Bulletin, je relève en outre les noms suivants : Heng, graveur, de la Chaux-de-Fonds ; Schwitzguébel, graveur, de Sonvillier ; James Guillaume, professeur, de Neuchâtel ; Paul Brousse, chimiste, de Herne ; Chalain, de Genève ; Spichiger, guillocheur, Pindy, guillocheur, et Floquet, monteur de boîtes, du Locle, représentant le Comité fédéral.
  2. Voir plus loin, p. 193.