Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/215

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ne recevions plus de nouvelles directes de l’Internationale italienne ; Costa et Malatesta étaient trop absorbés par l’action quotidienne pour songera nous envoyer des correspondances ; et Cafiero était parti pour la Russie en juin. Le Bulletin ne publiait d’autres renseignements que ceux qu’il recueillait dans la presse ; mais ces renseignements étaient significatifs, ils faisaient prévoir une explosion prochaine. Le 17 mai, le Bulletin écrit : « Toutes les semaines, les journaux d’Italie nous apportent le récit de nouvelles arrestations, avec de nouveaux détails sur la misère qui règne partout, ainsi que l’annonce de la fondation de nouvelles sections de l’Internationale. Un certain nombre de nouveaux journaux socialistes ont été supprimés, entre autres le Romagnolo, qui a été condamné en outre à d’énormes amendes. » Le 7 juin : « À mesure que les persécutions gouvernementales font disparaître de l’arène les organes socialistes italiens, il en renaît d’autres, plus ardents et plus infatigables. Ce sont les têtes de l’hydre : coupez-en une, il en repousse vingt. Nous venons de recevoir les premiers numéros du Sempre avanti (Toujours en avant), qui se publie à Livourne depuis le 10 mai, et du Schiavo bianco (L’Esclave blanc), qui vient de paraître à Turin. Nous leur souhaitons la bienvenue. » Le 29 juin : « Depuis plusieurs semaines, nous n’avons pas reçu de journaux italiens : probablement que la police aura saisi tous les numéros parus. Le silence qui se fait en Italie en ce moment n’indique pas le moins du monde un ralentissement dans l’agitation socialiste ; c’est bien plutôt le silence sinistre, précurseur de l’orage. » Le 19 juillet : « L’Italie avait paru un moment plongée dans une torpeur lugubre. Elle commence à en sortir. Le peuple voit que sa misère ne tient pas à la rareté des vivres, mais à l’égoïsme de ses exploiteurs : en effet, la récolte est magnifique, et cependant la misère est toujours aussi grande. Aussi des manifestations menaçantes viennent-elles d’avoir lieu dans plusieurs grandes villes. À Florence, le 11 courant, une grande foule s’est portée devant l’hôtel de ville pour demander une diminution du prix du pain. Mais la troupe est intervenue énergiquement, suivant l’expression de la presse bourgeoise, et une trentaine d’arrestations ont été faites. Le correspondant de Rome du Journal des Débats veut voir dans ces troubles « une action occulte, » à laquelle la politique n’est probablement pas étrangère ». Il se trompe évidemment. Le parti politique auquel il fait allusion, le parti mazzinien, est devenu aujourd’hui, en haine de l’Internationale, le plus ferme soutien de l’ordre établi. Les mouvements populaires italiens sont le résultat naturel des aspirations révolutionnaires d’un prolétariat écrasé depuis des siècles par l’oppression sous toutes ses formes, et qui n’attend que le moment favorable pour secouer une fois pour toutes le joug de la bourgeoisie, du militarisme et des prêtres. »

Le Comitato italiano per la Rivoluzione sociale résolut de profiter des circonstances pour tenter un mouvement insurrectionnel. Malatesta a indiqué en ces termes, deux ans et demi plus tard, au Congrès général de Berne (octobre 1876), les motifs de cette décision : « Au printemps de 1874, une très vive agitation s’était produite sur différents points de l’Italie par suite de la baisse des salaires et du renchérissement exorbitant des objets de consommation. Dans un grand nombre de localités, les magasins furent pris d’assaut et mis au pillage. L’Internationale se trouvait dans la nécessité de repousser entièrement ces actes populaires, ou de s’en déclarer solidaire : c’est ce dernier parti qui fut pris. L’Internationale ne pouvait agir autrement : d’abord, parce que, si elle avait repoussé ces actes accomplis par le peuple, elle aurait perdu tous les partisans pratiques de la révolution ; puis, parce que la révolution consiste bien plus dans les faits que dans les mots, et que, chaque fois qu’éclate un mouvement spontané du peuple, chaque fois que les travailleurs se lèvent au nom de leurs droits et de leur dignité, il est du devoir de tout socialiste révolutionnaire de se déclarer solidaire du mouvement qui se fait. »

C’est à la fin de ce chapitre que je parlerai de l’insurrection italienne d’août 1874, et de la part qu’y prit Bakounine.


En France, le 16 mai 1874, le cabinet de Broglie, mis en minorité, donna sa