Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/220

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Deux autres articles (également de Schwitzguébel, 22 et 29 juin) parlent de la tactique des grèves[1]. Ils indiquent, comme causes de non-réussite, le manque d’organisation, le manque de ressources matérielles, le manque de solidarité morale, et la déclaration de grève faite en temps inopportun. Les conditions de succès sont : 1° le complément de l’organisation locale de résistance par les fédérations régionales et internationales ; 2° l’affaiblissement des forces de l’ennemi ; 3° le développement, parmi les ouvriers, de la connaissance des questions sociales, et les convictions socialistes qui doivent en être le résultat ; 4° le choix du moment propice pour déclarer la grève. En terminant, l’auteur examine la question des grèves de dignité et celle de la grève générale :

Dans les cas où il s’agit de la dignité des ouvriers, de la défense du droit d’association, nous pensons qu’il ne faut jamais hésiter à accepter la lutte, quelle que puisse être la situation de l’organisation qui aurait à en subir les conséquences. Une défaite honorable doit être préférée à une soumission volontaire, car la défaite même, dans ces cas-là, imposera aux patrons, tandis que la soumission volontaire démoraliserait les ouvriers.

Ensuite du peu d’améliorations réelles qui ont été obtenues par les grèves partielles, malgré les grands sacrifices qu’ont faits les ouvriers, l’idée d’une grève générale des travailleurs, qui mettrait fin aux misères qu’ils subissent, commence à être sérieusement discutée par des associations ouvrières mieux organisées que les nôtres. Ce serait certainement là un acte révolutionnaire capable de produire une liquidation de l’ordre social actuel et une réorganisation conformément aux aspirations socialistes des ouvriers. Nous pensons que cette idée ne doit pas être écartée comme utopique, mais au contraire mûrement étudiée chez nous aussi ; et, si nous arrivons à nous convaincre de la possibilité de sa réalisation, il faudrait nous entendre avec les fédérations ouvrières de tous les pays sur les moyens d’action. Pour émanciper le travail de la domination et de l’exploitation du capital, on a essayé de tous les palliatifs ; la voie révolutionnaire reste seule ouverte. Elle s’élargira avec ou sans notre concours. Puissions-nous, pour l’honneur de nos associations, joindre bientôt franchement notre action à celle des travailleurs des pays qui ouvrent, par leur marche hardie vers l’avenir libre et égalitaire, une nouvelle époque de l’histoire humaine.

Le Congrès bisannuel de la Fédération des graveurs et guillocheurs, fédération comprenant onze sections locales, eut lieu à la Chaux-de-Fonds les 17, 18 et 19 mai. Ce Congrès, dit le Bulletin (31 mai), « marqua un progrès dans le développement de l’organisation » ; les travaux du congrès furent publiés en une brochure[2] qui contient, entre autres, un rapport sur la tactique des

  1. Ces deux articles sont la reproduction d’un rapport présenté au Congrès de la Fédération des graveurs et guillocheurs, en mai (voir à la page suivante.)
  2. Fédération des ouvriers graveurs et guillocheurs. Rendu-compte du cinquième Congrès, tenu à Chaux-de-Fonds les 17, 18 et 19 mai 1874. Saint-Imier, imprimerie E. Grossniklaus, in-16 de 48 pages. — Lorsque le Congrès eut décidé la publication de cette brochure, un délégué de la Chaux-de-Fonds, Louis Jeanrenaud (ex-rédacteur de la Montagne et de la Jeune République) proposa de voter la déclaration suivante : « Il est bien entendu que le Congrès, en décidant la publication de ses travaux, ne prend la responsabilité que des résolutions qu’il aura lui-même rédigées et votées ». Il motiva cette déclaration en disant « que certaines idées révolutionnaires, formulées dans les travaux présentés, ne sont partagées que par une partie des ouvriers, et que le Congrès, en paraissant les patronner par sa décision de publier les rapports, pourrait produire de la division dans les sections ». La déclaration proposée par Louis Jeanrenaud fut votée.